Adresse du communiste Georges Gastaud à Vladimir V. Poutine (deuxième partie)

Je me suis permis de mettre en gras et parfois en italiques dans le texte de G. Gastaud certains passages. J'ai également fais le choix d'insérer un tweet afin d'aérer quelque peu le texte. Le choix de l'image en tête de la seconde partie du texte de G. Gastaud me revient également... (M.A.)

Voici la seconde partie du texte de Georges Gastaud « ANTICOMMUNISME ET « LENINOPHOBIE » : DEUX PIEGES MORTELS POUR QUI VEUT VRAIMENT VAINCRE LE NEONAZISME, LA RUSSOPHOBIE ET LA MARCHE DE L’U.E.-O.T.A.N. A LA TROISIEME GUERRE MONDIALE » écrit sous forme d'adresse à Vladimir V. Poutine.

Lien vers la première partie : https://a-contre-air-du-temps.over-blog.com/2022/06/adresse-du-communiste-georges-gastaud-a-vladimir-v.poutine.html

ANTICOMMUNISME ET « LENINOPHOBIE » : DEUX PIEGES MORTELS POUR QUI VEUT VRAIMENT VAINCRE LE NEONAZISME, LA RUSSOPHOBIE ET LA MARCHE DE L’U.E.-O.T.A.N. A LA TROISIEME GUERRE MONDIALE

Deuxième partie

Par Georges Gastaud

J’en viens au dernier point : quand vous en venez, Vladimir Vladimirovitch, à comparer les orientations respectives de Lénine et de Staline à propos de l’organisation administrative et territoriale de la future URSS, il faut reconnaître que vous ne manquez pas d’une certaine pertinence historique, même si vous en tirez des jugements de valeur bien sommaires, y compris du point de vue bourgeois et contre-révolutionnaire qui est le vôtre : en effet, Lénine a publiquement fustigé ses camarades géorgiens Joseph Staline (pseudonyme russe de Jossip Djougachvili) et Sergo Ordjonikidzé et il les a même publiquement traités tous deux d’ «argousins grands-russes» à propos de la manière dont ils avaient brutalement ramené la Géorgie dans le giron soviétique en surestimant le danger du nationalisme caucasien et en sous-estimant à l’inverse le danger du nationalisme grand-russien : un nationalisme qu’ils ont alors, selon Lénine, inconsciemment et objectivement endossé. Ce reproche, certes, ne manquait pas de sel, le «Grand Russien» Lénine reprochant aux deux fougueux Géorgiens de s’être voulus, en la circonstance, encore plus russes que les Grands-Russes ! Lénine allait même malicieusement jusqu’à les comparer au Corse Napoléon Bonaparte, né Italo-Génois, lequel se voulait plus nationaliste et centraliste que les Français de souche qui n’avaient rien à prouver ni à se se prouver, eux, en matière de «francité»! Et Lénine de noter avec une finesse quasi psychanalytique que les bolcheviks «allogènes» (non russophones de naissance), qui avaient naturellement dû se heurter principalement à «leurs» nationalistes locaux pour adhérer au Parti ouvrier social-démocrate panrusse (POSDR), étaient très naturellement tentés, si l’on ose dire, d’«en rajouter» en matière de centralisme moscovite et d’arrimage ostentatoire à la Mère Russie, fût-elle entretemps devenue ouvrière et paysanne… Et il est exact que, comme je l’avais moi-même observé dans mon modeste livre de 1997 Mondialisation capitaliste et projet communiste[11], deux conceptions de la construction de l’Etat multinational soviétique se sont en effet affrontées dans les années vingt sur la manière de construire l’URSS : celles des deux principaux théoriciens de la nation qu’étaient alors concurremment (pas sur tous les points), au sein du Parti bolchevik, Lénine et Staline. Je prends acte du fait que vous, Vladimir Vladimirovitch, bien que critiquant dans votre allocution du 22 février 2022 le «régime totalitaire de Terreur» mis en place sous Staline, faites cependant mérite devant l’histoire à ce dernier d’avoir choisi en pratique la voie centraliste pure et dure et d’avoir de fait réduit le fédéralisme soviétique léniniste à une clause plutôt formelle en centralisant au maximum le développement de l’URSS sur les plans économique, militaire, administratif et diplomatique. Vous ne faites en somme, Monsieur le Président, qu’un reproche réel à Staline, du moins sur ce plan, et c’est celui de n’avoir jamais osé remettre en question formellement et juridiquement le principe léniniste constitutionnel du droit pour chaque république fédérée de faire sécession d’avec l’URSS, cette marque indélébile de souveraineté en dernière instance qui découle du «droit des nations à disposer d’elles-mêmes». Droit qui, soit dit en passant, n’est en rien une invention de Lénine mais un principe universel de droit politique datant pour le moins de Jean-Jacques Rousseau (Du Contrat social), d’Emmanuel Kant (Projet de paix perpétuelle) et de l’œuvre théorico-politique de la Révolution française[12] et qui tend à identifier souveraineté nationale et souveraineté populaire. Vous suggérez ainsi que si ce droit n’avait pas été reconnu par les constitutions successives de l’URSS, y compris la constitution dite « stalinienne » de 1936, l’Ukraine, la Biélorussie et les autres Etats fédérés à la Russie n’auraient pas pu se détacher d’elle en 1991. Votre analyse est gravement erronée sur plusieurs points majeurs : non pas sur la divergence bien réelle, exprimée par Lénine avec franchise à l’encontre du jeune Staline, dont certes, la brutalité n’était pas le moindre défaut, mais sur les conséquences historiques réelles de cette divergence :

tout d’abord, Vladimir Vladimirovitch, il est illusoire,idéaliste au sens péjoratif du mot, d’imaginer que le développement de sentiments nationalistes et séparatistes dans les républiques périphériques de l’URSS (baltes, «petite-russiennes», caucasienne, asiatique) eût été finalement ralenti par l’adoption d’une vue plus centraliste de la construction soviétique[13] . Encore une fois, le «droit au divorce» garantit mieux la stabilité et la possibilité même de l’amour à l’intérieur du couple – car celui-ci n’est rien sans la liberté et l’égalité des partenaires – que ne peut le faire la contrainte du mariage forcé et soi-disant indissoluble qui, bien au contraire, attise les frustrations et les rébellions à long terme (le «divorce à l’italienne» de cinématographique mémoire se terminait souvent par l’adultère ou par le meurtre d’un des conjoints…), voire les guerres fratricides s’agissant des Etats forcés de vivre sous un même toit. L’URSS ne pouvait tenir bon, elle ne pouvait être un ensemble multinational stable, que par l’égalité politique stricte entre toutes ses composantes républicaines ; il convenait même, comme l’avait compris Lénine, d’imposer une sorte de handicap spécifique à la nationalité russe objectivement prédominante : ainsi la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) n’avait-elle pas de Soviet suprême propre, contrairement aux autres Républiques fédérées ; et c’était là une garantie de solidité politique, et non de faiblesse, non seulement pour l’URSS, mais pour la Russie elle-même dont la force écrasante au sein de la Fédération n’eût pas manqué d’effaroucher les nationalités anciennement opprimées par le tsarisme et par sa politique de russification ancrée dans les mémoires. Une nationalité prédominante, comme une langue prédominante, ont en effet mille moyens subtils, inconscients, objectifs, involontaires, de dominer les autres langues ou nationalités et il faut donc, comme le disait Lénine, compenser cette domination spontanée par des contreparties distribuées par le centre lui-même, par la générosité russe elle-même en l’occurrence, aux autres républiques fédérées. De la même manière, la République socialiste fédérative de Yougoslavie, dont Belgrade et la Serbie étaient le « centre » naturel, n’a-t-elle tenu cinquante-cinq années, à l’avantage de l’ensemble des Yougoslaves, mais aussi des Serbes qui formaient le ciment de cette République multinationale fondée par un Croate, qu’aussi longtemps qu’y fut appliqué le principe formulé par Tito :

« Une Serbie faible dans une Yougoslavie forte ! ».

Quand, au contraire, la Russie « souveraine » a obtenu, sous Eltsine et avec la complicité veule de Gorbatchev, un Soviet à elle, elle a immédiatement affirmé sa «souveraineté», elle a préparé ouvertement son retrait de l’URSS et cela a fait bien plus pour écarter les Républiques fédérées de l’ensemble soviétique que ne l’eussent fait cent manifestations nationalistes à Bakou ou à Tachkent. De la même manière, quand la direction du Parti communiste serbe en perdition a cru astucieux de jouer la carte, sinon du nationalisme, du moins du contre-nationalisme serbe face aux nationalismes ethniques et antiyougoslaves excités et instrumentalisés par l’impérialisme euro-germanique (Slovénie, Croatie, Kosovo…), cette orientation faussement salvatrice vers la Grande Serbie et vers l’unification des Serbes de Yougoslavie a finalement accéléré l’implosion sous influence de la Yougoslavie fédérale et a in fine débouché, «en prime», sur le dépeçage de l’ensemble Serbie-Monténégro, puis sur celui de la Serbie elle-même amputée du Kosovo par les conjurés occidentaux.

Ensuite, Vladimir Vladimirovitch, vous avez tout faux aussi concernant le rôle dirigeant du PCUS : vous n’avez à cet égard que mépris puisque dans votre allocution du 22 février vous notez que ce rôle dirigeant s’est dissipé «comme la brume du matin» . Est-il possible qu’un homme aussi intelligent et cultivé que vous n’ait toujours pas compris que, en réalité, par-delà les divergences, importantes mais non antagoniques, entre Lénine et Staline sur l’architecture fédérale ou confédérale de l’URSS, le vrai liant de cet ensemble multinational complexe, donc fragile, sa garantie politique en dernière instance résidait principalement dans le rôle dirigeant, unificateur, fédératif du PCUS, de son idéologie communiste, de son ancrage ouvrier et paysan, de sa refondation générale de l’ex-Russie tsariste sur les bases posée par ce que vous rejetez le plus: la Révolution d’octobre ! Quand Gorbatchev et ses suiveurs, dont Eltsine mais pas seulement Eltsine, n’est-ce pas, ont tout fait pour faire tomber l’article 6 de la constitution soviétique (affirmant le rôle dirigeant du PCUS), quand Eltsine a même interdit les cellules du parti dans les entreprises, les administrations et les armées, ils ont fait mille fois plus en pratique pour démolir la fédération soviétique, et peut-être bien le liant fondamental de la nouvelle Russie capitaliste multiethnique déboussolée, que ne pouvaient le faire tous les articles stalinien, léninien ou… poutinien d’une quelconque constitution fédéralo-confédéralo-unitaire auxquels on peut rajouter toutes les répartitions territoriales possibles que l’on voudra, avec ou sans Donbass, avec ou sans Crimée : car ce qui compte le plus au final pour construire une Etat, national ou multinational, ou pour le détruire, c’est de prendre appui ou pas sur l’ouvrier, sur l’employé, sur l’intellectuel et sur le paysan qui sont les forces vives de cette nation que les classes travailleuses construisent de leurs mains alors que les classes capitalistes ou précapitalistes [sont] amatrices de déplanification générale, de mise en concurrence des territoires, d’inféodation à la mondialisation capitaliste, de soumission aux diktats de l’OMC, de prébendes oligarchiques, de privatisations dévastatrices, de destructions des acquis sociaux comme la retraite à 60 ans accordée aux travailleurs soviétiques dès… 1930 (et supprimée à quelle époque, déjà, Vladimir Vladimirovitch?). Dans le même ordre d’idées, il est impossible que vous, Vladimir Vladimirovitch, qui étiez en service en RDA au titre du KGB au moment de la « réunification » allemande, n’ayez pas remarqué que lorsque le SED (= le parti des communistes est-allemands) s’est fait hara-kiri en renonçant coup sur coup à son rôle dirigeant, à son armement spécifique dans les usines (les Kampfgruppen der Arbeiterklasse), voire à son nom, il signait l’arrêt de mort de la RDA. Et cela alors même que ses chefs félons expliquaient aux militants communistes est-allemands que la disparition du Parti – ultime garantie de la dictature du prolétariat sur laquelle reposait l’ossature étatique de la RDA – permettrait de sauver la RDA, ce qui était d’une sottise proprement infinie ?

enfin, Vladimir Vladimirovitch, vous qui êtes, nous n’en doutons pas, un admirateur sincère de l’Armée rouge qui vainquit Hitler, mais qui semblez n’avoir plus que mépris pour les communistes soviétiques, vous dont l’allocution du 22 février indique même que vous êtes prêt à donner des leçons de dé-communisation à l’Ukraine… néonazie (avez-vous oublié que le nazisme était principalement un anticommunisme?), comment pouvez-vous oublier que certes, l’URSS a perdu au moins 27 millions de personnes durant la Guerre patriotique contre Hitler, mais que sur ces 27 millions de martyrs, 9 millions d’entre eux étaient membres du PCUS ou du Komsomol, soit un communiste pour trois tués alors que, bien évidemment le ratio général entre communistes et population adulte de l’URSS était bien plus petit que celui-là. Et qu’est-ce que cela indique sinon que les communistes furent l’avant-garde héroïque de l’Armée rouge ouvrière et paysanne, de même que les communistes russes d’aujourd’hui sont l’avant-garde des Républiques populaires du Donbass et de l’actuelle lutte antinazie contre «Azov»… Si bien que donc, on ne peut pas admirer l’Armée rouge et cracher sur le fait qu’elle était… rouge, que son symbole était un symbole de classe (l’Etoile rouge!), que ses héros étaient massivement des communistes léninistes et stalinistes, que les généraux de cette Armée, les Joukov, Tchouikov, Rokossovski, étaient tous communistes, que la Stavka était communiste et que Staline lui-même, ce généralissime de l’Armée rouge qui, certes, n’avait pas toujours été si en phase que cela avec Lénine sur la question de l’architecture soviétique, tenait pour son plus haut titre de gloire, non pas qu’on lui dédiât un culte fort peu communiste que n’eût jamais accepté Lénine, mais que ses camarades de parti l’eussent qualifié de « meilleur disciple de Lénine »?

Résumons-nous, Vladimir Vladimirovitch: si l’URSS s’est disloquée (et pour des raisons qui ne diffèrent pas toutes des vôtres, nous vous accordons que c’est là la plus grande «catastroïka» du XXème siècle !), ce n’est certes pas parce qu’elle était trop léniniste et exagérément confédéraliste, ni parce que l’Ukraine bénéficiait du droit de libre séparation, comme la Russie qui en profitera avant elle sous le magistère de votre prédécesseur Boris Eltsine, mais au contraire parce que de francs contre-révolutionnaires qui firent passer leur intérêt […] et leurs aspirations oligarchiques personnelles avant l’intérêt, non seulement de l’URSS, mais des peuples d’Ukraine et de Russie. Dans la foulée, avant l’intérêt de toute l’humanité dont l’URSS était le rempart, ont dynamité le PCUS, ces tristes individus ont ridiculisé puis sapé le rôle dirigeant du PCUS, ciment de l’Union ; les mêmes se sont imaginé sottement avec Gorbatchev que l’Occident deviendrait tout gentil si l’URSS acceptait de se décommuniser, ils ont également démoli la planification socialiste unificatrice pour lui substituer ces terribles ferments de dislocation sociale et territoriale que furent la « thérapie de choc », la privatisation sauvage du pays et la cession de ses avoirs collectifs à une pègre oligarchique qui n’avait cure de la Russie et n’avait de cesse que de coloniser la Côte d’Azur française et Monaco. C’est pour cela que, pour finir, l’URSS a éclaté, que la Russie n’est pas passée loin de l’implosion (cf le terrorisme tchétchène encouragé par l’Occident), que l’Ukraine, la Géorgie, le Caucase septentrional (cf la querelle interminable entre les Arméniens et les Azéris, tous deux exhaustivement décommunisés pourtant !) ont connu, connaissent ou connaîtront tôt ou tard des « révolutions oranges » manipulées par l’Ouest, des fragmentations et des sous-fragmentations ethniques, des guerres civiles opposant d’anciens frères d’armes sur fond de ruée vers l’Est (Drang nach Osten disait Hitler !) de l’OTAN en quête d’espace vital, de nouveau «Lebensraum» à conquérir sur les Russes aujourd’hui et sur le dos des Chinois et les Iraniens demain. Joli résultat en effet, non pas de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, de la République fédérative socialiste soviétique de Russie, de la République Socialiste Soviétique d’Ukraine, en un mot de l’œuvre territoriale et nationale créative des bolcheviks (et, à l’arrière-plan, de cette Internationale communiste qu’avait fondée Lénine et qui fut hélas dissoute en 1943), mais résultat tout au contraire du bradage moderne de la RDA par la « nomenklatura », de la déstabilisation relativement récente du camp socialiste par tout à la fois le KGB gorbatchévien et par la CIA de Bush, et de la démolition méthodique pas si ancienne que ça par l’ensemble des dirigeants contre-révolutionnaires qui reniaient ce PCUS dont la plupart étaient adhérents de longue date. C’est bien Eltsine en effet, cet anti-léniniste de choc et ex-membre du Bureau politique de Gorbatchev, qui a signé en août 1991 le fascisant décret de dissolution du PCUS qualifié d’« organisation criminelle » ! Et qui alors, Vladimir Vladimirovitch, parmi les « patriotes » contre-révolutionnaires qui déclament aujourd’hui contre un homme enterré en 1924 qui ne peut plus passer à la télévision pour se défendre, s’est alors opposé à cette trahison décisive qui donnait le coup de grâce à l’Union multinationale et qui portait en germe l’isolement et l’abaissement dangereux et à long terme de la patrie russe elle-même ? Oui, qui ? Des léninistes courageux qui risquaient alors la persécution en Russie, ou des anti-léninistes d’opportunité qui espéraient ainsi participer à la curée des dépouilles de l’ex-URSS bradée et privatisée ?

Pour finir sur cette première partie de mon étude, comment ne pas trouver franchement surréaliste que, dans votre allocution du 22 février, vous sembliez affirmer, non sans brutal cynisme, que franchement, l’Ukraine étant la fille légitime de Lénine, il est absurde que l’on déboulonne les statues du fondateur de l’URSS à Kiev et à Kharkov. J’ai même ouï un étrange général russe chargé de lire les comptes-rendus militaires quotidiens de l’Armée affirmer crânement, sinon subtilement, que, les troupes russes avançant à l’Est de l’Ukraine, «les communistes perdent désormais du terrain» : ce qui, dans la bouche de ce personnage galonné et médaillé, dont on espère qu’il en existe de plus fins dans votre état-major, désignait incroyablement… l’Armée férocement pronazie, anticommuniste et antisoviétique de Kiev. Quelle honte, alors même que, lorsque les troupes ukrainiennes viennent à leur rencontre, d’héroïques babouchkas que tout le monde a admirées sur l’internet, sortent de leur cave le drapeau soviétique sacré qu’elles avaient pieusement roulé et conservé (et non pas le drapeau russe postsoviétique, et encore moins le douteux drapeau ukrainien actuel !) pour braver la fascisante soldatesque de Kiev armée par l’OTAN. Chacun voit par ailleurs que les jeunes soldats russes arborent fièrement cet oriflamme de classe quand l’occasion leur en est donnée alors qu’à l’inverse, ceux que votre ubuesque porte-parole militaire qualifie de «communistes» de Kiev (Zelensky ? Porochenko?), honorent l’ «héroïque» égorgeur de bolcheviks Bandera, interdisent le PC ukrainien, font enlever par on ne sait qui les frères Kononovitch (dirigeants de la Jeunesse communiste ukrainienne), excluent du parlement dirigé par un néonazi les députés communistes, etc. Répétons-le, ce genre de dérapage anticommuniste ubuesque présentant des néonazis comme des communistes, leurs pires ennemis, est la preuve de l’absurdité totale de la théorie selon laquelle, l’Ukraine étant une création lénino-bolchevique, combattre le régime pronazi de Kiev ce serait… continuer la dé-communisation russe par d’autres moyens !!! On est sidéré de devoir citer des propos aussi aberrants émanant d’un homme aussi averti et intelligent que l’actuel président de la Russie. Mais cette totale inversion des faits et des problématiques ne marchera pas, Vladimir Vladimirovitch. Si vous parvenez à dénazifier l’Ukraine, ce que n’importe quel démocrate normalement constitué, y compris s’il est critique envers votre intervention présente, devrait ardemment souhaiter, si vous parvenez à repousser le génocidaire et très exterministe impérialisme nord-américain loin de vos frontières en donnant un coup d’arrêt à la fascisation européenne et à la troisième guerre mondiale en marche, comment pourrez-vous éviter vous-même in fine d’accepter la re-légalisation du courageux PC d’Ukraine et de l’héroïque JCU persécutée par vos ennemis communs ? Et comment pourriez-vous éviter que, dans toute la Russie, le drapeau rouge ouvrier et paysan ne fût à nouveau arboré par le peuple travailleur et par tous les patriotes antinazis, non seulement comme un drapeau militaire victorieux mais regardant plutôt vers le passé, mais comme ce qu’il restera à jamais étant donné les symboles de classe qu’il arbore, la faucille paysanne et le marteau des ouvriers du Donbass et d’ailleurs : c’est-à-dire, pour mettre les points sur les i, le drapeau rouge porteur d’avenir du prolétariat international[14] issu de la Révolution sans-culottes française, du Printemps des peuples de 1848, de la Commune de Paris, de la grande Révolution prolétarienne d’Octobre, le drapeau des Komsomols de la Molovdaïa Guardia du Donbass, le drapeau de la Révolution communiste chinoise et des révolutions indochinoises. Et, s’agissant de mon pays la France, le drapeau rouge du prolétariat parisien en Révolution que le grand PCF de Thorez, de Duclos, de Barbusse et de Jeanne Labourbe, ces amis permanents et dévoués du peuple russe, ont toujours associé au drapeau tricolore de la République française ?

C’est pourquoi d’ailleurs, Monsieur le Président, nous autres communistes français soutenons chaleureusement la lutte de libération nationale des travailleurs du Donbass, dénonçons catégoriquement l’encerclement otanien de la Russie, stigmatisons l’OTAN et l’UE comme les ennemis principaux de l’Europe, de la paix et de l’humanité travailleuse. Et sur ces bases, nous nous heurtons, non sans courage, à « notre » impérialisme local en rappelant haut et fort après le Général de Gaulle que, oui,

« les Français savent que la Russie soviétique a joué le rôle principal dans leur libération ». De Gaulle

Et nous reprenons aussi à notre compte, en l’ajustant aux difficiles conditions d’aujourd’hui, l’appel courageux du communiste français Maurice Thorez déclarant, en pleine Guerre froide, que

«Jamais, non jamais, le peuple de France ne fera la guerre à l’Union soviétique», Maurice Thorez

ni bien entendu, ajouterons-nous en prenant avec gravité nos responsabilités de Français et d’internationalistes, au noble peuple russe à qui nous devons tant !

Mais avant tout, nous, militants franchement communistes, soutenons haut et fort toute lutte anti-hégémonique, toute lutte anti-impérialiste et plus que jamais, toute lutte anticapitaliste en constatant que seule la classe ouvrière au pouvoir peut mener jusqu’au bout et gagner pleinement et durablement une guerre anti-impérialiste et anti-hégémoniste. Pour parvenir à une victoire complète en ce domaine, il faut en effet prendre appui, non seulement sur le patriotisme populaire, mais sur l’internationalisme prolétarien dont certains ex-membres du PCUS devenus ses persécuteurs ont oublié la force déterminante qu’il eut, non seulement en 1918/24 pour briser l’étau impérialiste contre la Russie (pensez, M. le Président, aux glorieuses mutineries communistes de la Flotte française envoyée par Clémenceau pour tenter de mater Odessa), non seulement durant la seconde Guerre mondiale, où l’effort sublime de l’Armée rouge fut secondé par tous les partisans communistes d’Europe, de la Grèce à la France en passant par la Grèce, l’Albanie et la Yougoslavie, et ensuite durant toute la Guerre froide, où les révolutions communistes et populaires de Chine, de Corée, du Vietnam, du Laos, de Cuba, de l’Afrique subsaharienne (Ethiopie, Angola, Mozambique, Namibie…), toutes les tentatives révolutionnaires de l’Iran, de l’Indonésie, du Portugal, toutes les luttes sociales conduites par les PC italien, français, japonais, indien, brésilien, péruvien, etc. ont dispersé les efforts de l’impérialisme américain et l’ont empêché d’attaquer et de raser nucléairement vos grandes villes comme les assassins monstrueux d’Hiroshima et leurs successeurs projetaient ouvertement de le faire. Penseur politique, militant de la paix, phare du combat laïque, défenseur des libertés individuelles et dirigeant socialiste, le socialiste français Jean Jaurès disait naguère que

«Si un peu d’internationalisme éloigne du patriotisme, beaucoup d’internationalisme en rapproche». Jaurès

Mais là encore, la réciproque vaut et ceux qui ne recourent qu’au seul sentiment national pour se défendre du nazisme résurgent et de ses parrains de l’OTAN, ne marchent que sur une jambe ; c’est donc avec inquiétude que, n’était l’action patriotique et internationaliste imperturbable des communistes russes, biélorusses et ukrainiens, nous verrions aujourd’hui la Russie postcommuniste, voire anticommuniste que vous dirigez, s’avancer seule face à l’Ukraine nazifiée et alliée à l’OTAN, c’est-à-dire à l’addition de l’impérialisme allemand et de l’impérialisme américain se subordonnant l’impérialisme français décadent démolisseur de sa propre nation, bref, contre cet hégémonisme global que veulent aujourd’hui rallier la Finlande et la Suède. Or ce sont bien les quinze Républiques soviétiques unies et alliées aux communistes et aux antifascistes du monde entier qui ont vaincu Hitler en l’empêchant de s’allier aux impérialismes anglo-saxons, comme s’efforça d’y parvenir le chef nazi Rudolf Hess quand il se fit parachuter sur l’Ecosse pour tenter d’y négocier la grande alliance de tout le monde capitaliste contre l’URSS. Certes la Russie peut aujourd’hui compter sur une sympathie plus ou moins affichée de nombreux Etats, et notamment des « B.R.I.C.S. » (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), ces pays immenses où, soit dit en passant, les partis communistes, les traditions rouges et la classe ouvrière continuent de porter l’avenir : il n’est que de voir ce qu’est aujourd’hui le drapeau du PC chinois : le drapeau rouge orné des « outils » ; ou d’admirer la manière dont les communistes indiens dirigent des grèves ouvrières et paysannes drainant des centaines de millions de travailleurs! Mais le patriotisme russe suffira-t-il pour vaincre et sauver la Russie du démembrement que lui promet Joe Biden si les classes populaires du monde entier, principalement les ouvriers, les techniciens, les employés et les petits et moyens paysans ne mettent pas elles aussi leur puissance sociale décisive en travers de la marche à la guerre mondiale potentiellement nucléaire que fomente l’impérialisme américain affolé par sa perte programmée de l’hégémonie mondiale? Or, comment obtenir la sympathie agissante des travailleurs du monde entier, comment obtenir que, comme ils l’ont fait dernièrement à Gênes, les ouvriers – par ex. les dockers et les marins – refusent de charger les armes lourdes destinées à tuer des soldats russes, à bombarder la Russie, à couler ses navires et à armer des néonazis ukrainiens si le chef officiel de la Russie commence par placer son offensive en Ukraine sous le signe contre-productif d’un anti-léninisme et d’un anticommunisme militants?

Car, ne vous y trompez pas, Vladimir Vladimirovitch, piétiner Lénine et le communisme russe et international, ce n’est pas seulement renier un pan glorieux de l’histoire russe moderne qui a porté votre pays, à l’égal des combattants de Marathon, du Spartacus antique, des Français de la Grande Révolution, des Italiens du Risorgimento ou des émules de Marti et de Bolivar aux avant-postes de l’émancipation universelle, c’est aussi piétiner la mémoire ouvrière et paysanne mondiale dont vous avez pourtant un besoin vital pour réfréner le risque d’un holocauste antirusse qui vous, et qui nous menace tous à terme. Encore une fois «notre» Jean Jaurès, que « nos » bellicistes français firent assassiner en août 1914 pour pouvoir enclencher sans entrave la Première Guerre mondiale, écrivait une belle phrase dont j’affirme ici que la réciproque vaut :

« L’émancipation nationale est le socle de l’émancipation sociale ». Jaurès

Opposer ces trois dimensions étroitement solidaires de l’émancipation humaine générale, le combat anticapitaliste pour la société sans classes, le combat anti-hégémonique pour le multilatéralisme et le combat anti-impérialiste pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans la paix avec leurs voisins, c’est risquer de de perdre sur les trois tableaux, face à cet ennemi impitoyable qu’est l’impérialisme-hégémonisme moderne. Un ennemi sauvage et surarmé dont nous, militants franchement communistes et léninistes impénitents de France, affirmons la dimension pan-destructive quand nous affirmons que

«l’exterminisme est le stade suprême du capitalisme-impérialisme moderne ».

Certes, Vladimir Vladimirovitch, on peut être patriote et ne pas, ou ne plus être communiste ; mais on ne peut pas à la fois être un patriote conséquent, et surtout, un patriote durablement victorieux, et un anticommuniste acharné, surtout quand on prétend porter la mémoire et l’honneur du pays qui s’appelait l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques et qui fut incontestablement le grand pays multinational des peuples frères et des travailleurs révolutionnaires marchant main dans la main, dans des conditions terribles, vers le communisme et l’émancipation de tous les humains.

Un « patriote conséquent », comme on devait le dire dans les écoles élémentaires du PCUS que vous, Vladimir Vladimirovitch, avez forcément fréquentées dans votre jeunesse, et davantage encore un véritable ami de la paix mondiale indispensable à la survie de notre espèce, ne devrait-il pas penser sérieusement, s’il veut gagner et non perdre, gagner et non se perdre et faire perdre son peuple face à des ennemis ardemment russophobes et totalement déterminés (tel est le bloc euro-atlantique allié aux nazis d’Azov qui se dresse contre vous!) à ces données de classes historiques, idéologiques et géopolitiques objectives qui déterminent à long terme l’issue du combat et qui ne relèvent en rien, que l’on s’en félicite ou qu’on le déplore, d’on ne sait quel dogmatisme désuet ?

II – UN ANTICOMMUNISME ET UNE « LENINOPHOBIE » STRATEGIQUEMENT CONTRE-PRODUCTIFS

Nous nous en sommes tenus jusqu’ici à la réfutation théorico-politique et historique des lourdes attaques lancées le 22 février dernier par le président Poutine à l’encontre de Lénine et de l’ancienne Ukraine socialiste librement et égalitairement fédérée aux autres Républiques de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Mais ce très préoccupant tropisme anti-léniniste mâtiné d’acharnement « décommunisateur » de la part, à la fois, des autorités russes et de leurs ennemies ukrainiennes, comporte des effets pratiques immédiats encore plus préoccupants sur les plans politique, géopolitique et proprement militaire.

Tout d’abord, M. le Président, croyez que j’entends bien le souci tactique qui fut le vôtre le 22 février 2022, à la veille de l’offensive russe antinazie et anti-OTAN en Ukraine : celle de ne pas ouvrir, en Russie même, d’espace politico-idéologique au Parti Communiste de la Fédération de Russie (KPFR), dont les députés demandaient depuis longtemps ce soutien politico-militaire direct de la Russie aux Républiques populaires créées par la population prolétarienne, traditionnellement rouge, antinazie et pro-soviétique, du bassin du Don. Sans doute avez-vous pensé, en attaquant Lénine juste avant d’entrer en Ukraine à main armée, rassurer la bourgeoisie russe, laquelle craint le retour des communistes, seconde force politique de Russie, ainsi que la bourgeoisie internationale qui vous présente sottement comme une réincarnation de Staline (un «tsar soviétique»), et pire encore à vos yeux, de ce Lénine que vous n’avez pourtant eu de cesse de diaboliser à domicile. Indirectement vous souhaitez aussi sans doute rassurer la bourgeoisie ukrainienne en lui signifiant, si besoin était, que votre intervention en Ukraine ne comporterait pour elle aucune mise en danger des richesses que les oligarques post-soviétiques ont partout volées aux travailleurs de l’ex-URSS : et de fait, il n’y objectivement rien à craindre de l’actuelle Russie, née du séparatisme bourgeois du super-privatisateur Eltsine, pour les suspectes fortunes colossales des milliardaires russes et ukrainiens, le «danger» à cet égard venant plutôt… de l’Occident qui ne respecte le droit «universel» de propriété que quand cela arrange ses grands capitalistes! Mais de tout cela, qui pouvait sérieusement douter avant votre discours du 22 février 2022 ?

Pourtant, toutes ces préoccupations de Realpolitik à courte vue sont d’un faible poids quand on les compare à ce que peut coûter et que coûte déjà votre anticommunisme virulent quand on se place au seul point de vue qui devrait être le vôtre en tant que patriote russe, qu’homme d’Etat, que président présumé de tous les citoyens de Russie et que chef des armées russes ayant le devoir de prendre de la hauteur sur les plans politique, militaire et géopolitique : ce point de vue est celui du succès politico-militaire, vital pour l’avenir du peuple russe, pour celui du peuple ukrainien et pour celui de la paix mondiale, de votre offensive contre l’Ukraine nazifiée et alliée à l’OTAN : «tout pour le front, tout pour la victoire!» disaient déjà à juste raison vos précurseurs antinazis des années 1940 ! Car pour obtenir une vraie victoire stratégique, et non pas seulement de coûteux succès ponctuels à la Pyrrhus, il faut instamment construire un rapport des forces national et mondial non seulement militaire mais idéologique permettant à cette offensive – qui se heurte à une Grande Coalition planétaire ! – de triompher de l’ennemi mondial de la Russie qu’est l’Alliance atlantique associée à l’UE, au Japon et à tout l’ «hinterland» mondial du Commonwealth : un ennemi global qui, par ailleurs, prend cyniquement appui sur les milices néo-hitlériennes (des Etats baltes russophobes à l’Ukraine…) tout en persécutant déjà les partis communistes amis du peuple russe dans la plupart des ex-pays socialistes d’Europe, Pologne cléricale en tête. Nous ne doutons pas de votre intention subjective de «dénazifier» l’Ukraine néo-bandériste des Zélensky, Porochenko et Cie, et de ce point de vue, nous ne pleurnichons pas sur la défaite réjouissante des bandits de la Brigade néonazie Azov sortant craintifs et les mains en l’air, avec leurs tatouages odieux sur tout le corps, des sous-sol du combinat sidérurgique Azovstal (à nouveau moins Azov que stal si l’on ose dire!). Mais, Vladimir Vladimirovitch, entrer en Ukraine à main armée tout en attaquant violemment la mémoire de Lénine, le non-patriotisme calomnieusement imputé aux bolcheviks et les fondements même de l’ex-République d’Ukraine socialiste et soviétique, était-il pour autant stratégiquement efficace et idéologiquement astucieux ? Nous pensons au contraire que ce positionnement à courte vue, que nous ne jugeons plus ci-dessous du point de vue de sa légitimité historique mais seulement sur le plan de son opportunité politico-militaire, est fort contestable, si ce n’est terriblement contre-productif pour peu que cette désastreuse entrée en matière ne soit pas rapidement rectifiée.

Tout d’abord à l’échelle nationale, n’est-il pas évident que, pour obtenir l’accord massif, profond et durable de la population russe, y compris de celle qui revote déjà massivement pour le KPFR (19% des voix officiellement et sans doute bien plus n’était le douteux «vote par correspondance», notamment à Moscou…), et plus encore de toute celle qui, sans encore oser revoter communiste dans le climat lourdement anticommuniste qu’entretiennent les médias russe, regrette sincèrement l’URSS et fredonne toujours les paroles initiales de l’hymne soviétique composé par Alexandrov dont vous n’avez maintenu que la musique, il ne faut pas commencer une offensive militaire en attaquant le fondateur de l’URSS, en le traitant ouvertement de traitre, en diabolisant l’épopée bolchévique, la construction générale de l’URSS et tous ces militants valeureux du Parti et du Komsomol qui se sacrifièrent aux premiers rangs de la lutte antihitlérienne ! N’est-il pas évident qu’il faudrait tout au contraire unir tous les patriotes contre le nouveau Drang nach Osten (ruée vers l’Est) du bloc euro-atlantiste accourant du monde entier vers vos frontières irresponsablement dégarnies et laissées à nu par les vrais traîtres à la Russie ancienne ou nouvelle, les ignobles Gorbatchev, Chevarnadzé, Yakovlev et Eltsine ? Une ruée sur la Russie (et bientôt sur la Chine…) n’hésitant même plus désormais devant le réarmement massif de l’impérialisme allemand et japonais, devant la satellisation directe de la Suède et de la Finlande, devant la tentative de déstabiliser la Biélorussie, devant la provocation périodique de guerres par procuration dans le Caucase (guerres périodiques entre Azéris et Arméniens), sans parler de l’alliance abjecte de l’UE-OTAN russophobe avec tous les nostalgiques des pogroms bandéristes sur le sol ukrainien ? Comparaison n’est certes pas raison, les temps sont autres et les nations russe et française sont fort différentes, mais en 1943, quand il s’est agi de préparer l’insurrection nationale française, de chasser les nazis et leurs collaborateurs du territoire français, de désamorcer les projets peu discrets de néo-colonisation de la France « libérée » par les Anglo-Saxons, et surtout, de doter la future France d’un gouvernement véritablement français, bien que le Général de Gaulle fût lui-même de tradition conservatrice, anticommuniste voire royaliste, cet homme d’Etat a su intelligemment accepter la main tendue du PCF clandestin, fer de lance de la Résistance armée intérieure. L’émissaire de Charles de Gaulle qu’était l’héroïque Jean Moulin a alors su, avec les communistes représentés par Fernand Grenier et par Pierre Villon, associer la France libre basée à Londres à l’héroïque Résistance intérieure des Francs-Tireurs et Partisans Français animée par le PCF, et Jean Moulin a alors pu mettre en place le Conseil National de la Résistance (CNR) et promouvoir son grand programme d’émancipation nationale et de progrès social intitulé Les Jours heureux et fortement inspiré par Jacques Duclos, le dirigeant du PCF clandestin sur le sol national. C’est grâce à de tels actes politiques, et indirectement, militaires, dont nous ne prétendons pas qu’ils soient reproductibles tels quels partout et en tout temps (nous ne parlons ici que de la manière dont de Gaulle a su, par patriotisme, surmonter au moins provisoirement et partiellement son origine de classe bourgeoise et son anticommunisme foncier), que les Français désespérés par la défaite et par l’Occupation allemande, ont enfin su se fédérer pour l’insurrection nationale. Ainsi ont-ils pu libérer Paris par leurs seuls forces en septembre 1944[15], éviter la néo-colonisation anglo-américaine directe déjà programmée, «mettre le monde du travail au centre de la Nation», conjuguer le souci d’émancipation sociale à l’œuvre d’émancipation nationale en mettant en œuvre un vaste programme de nationalisation des secteurs clés de l’économie, de reconstruction industrielle et agricole, de protection sociale, d’amélioration des retraites, de relance des services publics de santé, de recherche scientifique et d’éducation, de relance de la démocratie sociale, d’éradication du fascisme, du racisme et de l’antisémitisme. Et c’est ainsi que de Gaulle, faisant preuve de hauteur de vues et se comportant en véritable homme d’Etat, s’est rendu à Moscou en 1944 en visite d’Etat pour déclarer ceci en présence du Maréchal Staline, comme nous l’avions déjà indiqué :

« les Français savent que la Russie soviétique a joué le rôle principal dans leur libération ».

De Gaulle a déclaré cela fort loyalement, bien qu’il ait lui-même commencé sa carrière de jeune officier en allant combattre la jeune Armée rouge en 1918 en sa qualité d’assistant militaire de la nouvelle Pologne, déjà réactionnaire et agressivement russophobe…

Certes, Vladimir Vladimirovitch, vous pouvez compter sur le patriotisme indéfectible des communistes russes, et plus globalement, sur les sentiments nationaux ardents des ouvriers, des paysans et de la grandes majorité des intellectuels de votre pays. Mais veuillez ne pas oublier que toute chose trouve toujours ses limites en ce bas monde et que l’ardent patriotisme russe n’a pas empêché l’armée russe de se débander en 1917, non pas à cause des méchants bolcheviks qui y étaient initialement peu influents, mais parce que la masse des ouvriers et des paysans russes haïssait à raison le régime impérial qui avait sauvagement réprimé la révolution populaire de 1905 et qui continuait d’opprimer de cent façons le peuple travailleur de la Russie ainsi que les nationalités dites « allogènes » : au point que, une fois passé l’enthousiasme patriotique initial de 1914 et survenues les lourdes défaites infligées à l’armée russe par les Austro-Allemands, nombre de paysans russes sous l’uniforme n’avaient plus le sentiment de se battre pour la nation mais seulement celui de servir de chair à canon à l’impérialisme russe de cette triste époque, d’autant que les lourdes difficultés d’approvisionnement pesaient lourdement, non pas sur les riches, mais sur la survie quotidienne des masses. Car la nation, Vladimir Vladimirovitch, ce n’est pas une abstraction indifférente à la vie des gens et à leur sentiment aigu et inextinguible de la justice sociale, «la nation, c’est le peuple» comme l’a lumineusement écrit le philosophe léniniste et grand patriote français Georges Politzer que tortureront, avant de le fusiller, les Occupants nazis de notre pays. Encore une fois, l’anticommunisme ne peut être qu’un très mauvais ciment intérieur si l’on veut vraiment fédérer son peuple au moment d’engager une confrontation à haut risques pour la Russie (et pour le monde !) avec l’ennemi principal de la paix mondiale et de l’humanité, l’impérialisme américain désormais réconcilié avec l’impérialisme allemand.

C’est d’autant plus vrai que, à l’échelle européenne, l’anticommunisme et une forme d’euro-maccarthysme et de nouvelle chasse aux sorcières continentale servent eux-mêmes de «liant» à l’Union européenne atlantiste, russophoe et surtout, anticommuniste, pour remettre en selle le nazisme et le réhabiliter à bas bruit. L’actuelle alliance de l’UE-OTAN avec les néonazis baltes et ukrainien n’est nullement apparue en effet comme un «coup de tonnerre dans un ciel serein». Elle est préparée, depuis la fin de la RDA – ce rempart continental contre l’impérialisme allemand et ses pseudopodes fascistes –, par des persécutions anticommunistes sans fin contre les communistes polonais, hongrois, baltes, croates, roumains, tchèques, etc., et parallèlement, par la tranquille collaboration des directions de l’UE et de l’OTAN avec des régimes européens, ou avec de grands partis de masse qui ne cachent même plus leur nostalgie pour Hitler, Bandera, le Régent Horthy (Hongrie), les Oustachis croates, Mussolini, bref pour le fascisme assassin, antisémite et génocidaire sous toutes ses formes. Et cela est tout à fait logique hélas puisque le fascisme et le nazisme ont toujours constitué le fer de lance de l’anticommunisme et de l’antisoviétisme mondial comme on le constate aisément en parcourant les pages odieuses que Hitler a consacrées à ces thématiques dans «Mein Kampf». Comme vous le savez, les USA et l’UE ont tous deux combattu indécemment la résolution contre la résurgence paneuropéenne du nazisme que la Russie avait, et c’est tout à votre honneur, Vladimir Vladimirovitch, proposé au vote de l’Assemblée générale des Nations-Unies. Et pour cause ! Car ces gouvernants européens et nord-américains dont beaucoup, consciemment ou pas, rêvent obscurément de prendre une revanche historique sur Stalingrad quitte à permettre le réarmement du Japon et à recycler l’impérialisme allemand défait, ne peuvent que haïr votre grand pays. Lequel, en dépit de la restauration capitaliste qu’il a subi, incarnera toujours aux yeux de tous les peuples la première Révolution socialiste de l’histoire, de même que la République française actuelle continue d’incarner, malgré ses piteux dirigeants actuels, la grande Révolution française institutrice universelle du grand principe de la souveraineté inaliénable, donc de l’égalité foncière de tous les peuples. C’est donc dans ce climat idéologique empoisonné que le «Parlement» européen a voté à la quasi-unanimité, le 16 septembre 2019, une motion de la honte qui place sur le même plan le Troisième Reich génocidaire et son principal vainqueur, l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Cette motion infame amalgame les nazis aux communistes sous la rubrique fourre-tout du «totalitarisme», elle valide ouvertement les persécutions anticommunistes en Pologne cléricale, et elle appelle peu discrètement à bannir de l’UE les «symboles du totalitarisme communiste»: est allusivement visé le drapeau rouge frappé de la faucille, du marteau et de l’étoile rouge. Cela signifie en clair que l’Etat fédéral européen en construction rejette violemment le symbole majeur de la victoire des peuples sur le nazisme, à savoir le drapeau soviétique des ouvriers et des paysans flottant sur le Reichstag ! Cela signifie que, sous le nom de code de « totalitarisme », lequel vise avant tout les régimes politiques actuels de la Chine, de Cuba, du Venezuela et de la Fédération de Russie elle-même, l’Europe atlantique pilotée par Berlin et supervisée par Washington vomit officiellement l’antifascisme et l’antinazisme et qu’elle devient même, sous le drapeau suspect de l’anticommunisme, de l’anti-léninisme et de l’antisoviétisme résurgents, le bastion continental de l’ «anti-antifascisme», voire de l’«anti-antinazisme» s’il est permis d’utiliser ici cette «négation de la négation» tristement signifiante : à preuve la récente interdiction, sous peine de trois ans de prison infligés aux contrevenants éventuels, qu’ont récemment instituée six Länder allemands de toute forme de tag de la lettre «Z» empruntée à la Grèce antifasciste (le fameux «Z» du film antifasciste réalisé par Costa-Gavras en 1969), une lettre qu’arborent les soldats russes du Donbass en signe d’antifascisme militant ! Voilà où en est déjà la «libre Europe» «pluraliste» et «antitotalitaire». Cela signifie enfin et surtout que l’amalgame dit «antitotalitaire» entre le fascisme et le communisme, entre le Troisième Reich et la Russie soviétique, n’a qu’une seule fonction idéologique et géopolitique : humilier et rabaisser les partis communistes, le peuple russe et l’URSS tout en rehaussant, en banalisant et en réhabilitant dangereusement le fascisme, l’impérialisme allemand et l’Allemagne nazie. Comment ne pas voir, Vladimir Vladimirovitch, que ce climat anticommuniste continental qu’il ne faut surtout pas alimenter comme vous l’avez fait imprudemment le 22 février, tant il favorise l’escalade militaire Est-Ouest, voire la marche à la guerre mondiale sur fond de provocations américaines. Un climat infect et dangereux que les Verts allemands, qui détiennent désormais des postes-clés à Berlin, ne cessent d’entretenir en appelant à une intervention de plus en plus directe de la RFA en Ukraine, voire en réclamant odieusement la destruction du monument d’Ernst Thälmann à Berlin[16] ce qui ne peut manquer de susciter l’angoisse quand on pense aux horreurs sans nombre que l’Allemagne a commises en Ukraine et en Biélorussie avec l’aide de Bandera et Cie à l’époque du Plan Barbarossa…

Sur le fond, il faut saisir que, malheureusement, et pour emprunter au philosophe et militant antifasciste italien Antonio Gramsci quelques-uns de ses concepts majeurs d’analyse, le bloc historique mondial symboliquement parti de Stalingrad et qui prévalut de 1945 jusqu’au phagocytage impérialiste et contre-révolutionnaire de la RDA, a cédé la place, surtout depuis la contre-révolution russe de 1991 et l’affalement du drapeau rouge sur les tours du Kremlin, à un nouveau bloc historique franchement réactionnaire, impérialiste et potentiellement exterminateur: dans le premier bloc historique issu de la Grande Coalition antihitlérienne, l’hégémonie culturelle dominante intégrait les communistes, le peuple russe et l’URSS tout en marginalisant le fascisme et l’impérialisme allemand. Dans le second bloc soi-disant «antitotalitaire», et en réalité antisoviétique, anticommuniste et antirusse, que Ronald Reagan, George Bush Sr et Cie ont mis en place avec Kohl et Thatcher, sans oublier la complicité du faux homme de gauche qu’était François Mitterrand, la fausse symétrie entre communistes et nazis, entre URSS et Allemagne nazie, a abouti à dévaluer et à diaboliser les premiers tout en rehaussant et en blanchissant odieusement les seconds : on le voit avec cette UE-OTAN « antitotalitaire » qui encense les Bataillons nazis Azov et Aïdar et qui, parallèlement, s’apprête à interdire sur tout son territoire l’inscription murale de la lettre « Z », sans oublier le drapeau rouge ouvrier et paysan. Il est donc clair que l’anticommunisme et l’anti-léninisme militants sont, culturellement, militairement et géopolitiquement, des «planches pourries» pour les ennemis du fascisme résurgent, des impérialismes allemand (et japonais !) en plein réarmement, et de la guerre antirusse (voire antichinoise) en voie de mondialisation latente. Merci d’y réfléchir posément et sans préjugés de classe mesquins en cette heure grave, Vladimir Vladimirovitch : car c’est bien de Lénine et de son magnifique Décret sur la paix, qui brisa la machine de la guerre mondiale impérialiste au lendemain du 7 novembre 1917 que les peuples devront encore s’inspirer pour arrêter la marche à la troisième guerre mondiale, alors qu’à l’inverse, la léninophobie et l’anticommunisme, ces geysers monstrueusement toxiques d’où surgissent périodiquement l’antisoviétisme rétrospectif et la russophobie guerrière, ne sont que des moyens d’emballer toujours plus la machine de mort qui nous précipite tous vers le gouffre le plus abyssal et le plus infernal qui se puisse concevoir.

Enfin, M. le Commandant en chef des armées russes, n’est-il pas pour le moins contre-productif, quand on affirme intervenir en Ukraine, non pas pour l’annexer et pour dominer son peuple, mais pour neutraliser, pacifier et dénazifier son territoire traditionnellement ami, d’engager l’offensive militaire que vous avez lancée le 24 février en accusant l’Ukraine d’être un Etat artificiel composé par Lénine et dont la légitimité historique, voire l’existence et la consistance nationale seraient plus que suspectes ? N’est-ce pas là, pour des raisons non pas patriotiques, mais de classe qui renvoient aux préjugés des oligarchies capitalistes russe et non russe, «braquer» d’avance contre l’armée russe une bonne partie des Ukrainiens non prévenus, pas forcément amis de Zelensky et de Porochenko, mais qui ne peuvent évidemment pas entendre que leur pays n’existe pas, qu’il n’est qu’un puzzle artificiel, qu’il a toujours fait partie en réalité du «monde russe», que Lénine n’aurait pas dû accorder à l’Ukraine comme aux autres Républiques fédérées le droit de se séparer de la Russie. Bref, que Lénine n’aurait pas dû doter la République socialiste soviétique d’Ukraine des moyens de son développement industriel ? Avec un tel discours, comment ne pas alimenter l’idée, même et surtout si tel n’est absolument pas le cas et que la guerre actuelle a bien, comme vous l’affirmez, des objectifs de libération nationale ! – que l’Armée russe n’arrive pas en Ukraine non pas pour chasser les néonazis et balayer les fantoches corrompus des USA, mais comme l’avant-garde du «monde russe» et d’une éventuelle mise en tutelle du pays pouvant davantage évoquer le tsarisme que la libre union fraternelle dans laquelle toutes les Républiques fédérées entretenaient des relations égalitaires ? L’expérience de terrain confirme hélas pleinement que le lancement de votre intervention spéciale sur de claironnantes bases anti-léninistes qui, entendues d’Ukraine, ne pouvait guère qu’être comprise, fût-ce à tort, que comme potentiellement négatrice de la souveraineté et de l’existence à venir de ce pays : du reste, partout où les soldats russes sont fraternellement accueillis en Ukraine, ce ne sont pas les drapeaux russes actuels que de vaillantes babouchkas sortent de leur cave où il était clandestinement conservé, mais bien le drapeau rouge frappé de l’emblème ouvrier et paysan : un symbole qui fut choisi par Lénine en personne, ce défunt que vous haïssez par-delà le tombeau mais qui ne vous en domine pas moins puisqu’à votre corps défendant, il vous fournit bien malgré vous votre principal symbole de masse ! Et pour cause, car ce drapeau ne signifiait nullement la domination russe sur l’Ukraine, ni «le monde russe» de l’idéologie national-orthodoxe et patriarcale, mais la fraternité prolétarienne des peuples soviétiques librement associés pour construire le communisme : en bref, cette « libre union des Républiques », certes «unie à la grande Russie» mais tendant d’un même effort vers l’émancipation universelle que célèbre l’hymne soviétique dont vous avez fait changer les paroles en leur conférant une dimension religieuse qu’il n’avait pas[17] !

Terminons sur ce point en notant, Vladimir Vladimirovitch, que votre criminalisation du léninisme et du communisme ne peut que fortement réduire à l’international l’appui que les Etats restés fidèles à leur filiation communiste-léniniste sont tentés de vous apporter en ces heures difficiles, tout en vous coupant de cette partie militante du prolétariat international qui a toujours regardé le peuple russe avec un respect teinté d’amour et de gratitude. Comment ne voyez-vous pas, M. le Président, que, face aux quarante Etats fédérés par Washington, de la Norvège à la Nouvelle-Zélande et du Canada au Japon pour surarmer le régime antirusse et pronazi de Kiev, tous les modernissimes missiles hypersoniques de l’Armée russe ne suffiront pas à stopper la marche exterminatrice à la Troisième Guerre mondiale si le peuple russe ne s’ouvre pas à nouveau l’esprit et le cœur de cette gauche ouvrière, antifasciste, anti-impérialiste et populaire mondiale qui ne reniera jamais Spartacus, Robespierre, Lénine, Ho Chi Minh, Castro, Clara Zetkin, Guevara, la Longue Marche, l’Africain Chris Hani dirigeant la lutte anti-apartheid, et dont la seule boussole universaliste est l’émancipation de tous les peuples et de tous les individus ? Comment encore une fois, ne voyez-vous pas que, au sein de ces B.R.I.C.S. qui constituent votre principale et énorme réserve mondiale de sympathie populaire, d’immenses forces sociales de tradition rouge, communiste et prolétarienne, au Brésil, en Afrique du Sud, en Inde surtout, détiennent potentiellement l’énergie décisive qui peut isoler les fauteurs de fascisation, d’anéantissement de la Russie et d’extermination de l’humanité ? Comment ne pas voir par exemple que, en Chine populaire, un Parti né de la Révolution d’Octobre et qui n’a renié ni Marx ni Lénine, dirige le pays le plus peuplé du monde dont l’économie est d’ores et déjà devenu, au grand dam de Washington, le fer de lance de l’économie planétaire ? Nous ne vous demandons nullement, M. le Président, de redevenir communiste (comme vous étiez censé l’être, n’est-ce pas, quand vous avez pris la carte du Komsomol, puis celle du PCUS), pas plus que les dirigeants communistes et marxistes-léninistes français Thorez, Duclos et Frachon n’ont jamais demandé à Charles de Gaulle et à Jean Moulin de chanter l’Internationale pour mettre en place avec eux le CNR ; Staline n’a d’ailleurs jamais proposé jadis à Churchill et Roosevelt de rallier le Komintern avant de pouvoir intégrer la grande Coalition mondiale antihitlérienne. Nous vous suggérons seulement, pendant qu’il en est encore temps (car le compte à rebours de la troisième guerre mondiale est lancé, il n’est que de voir ce qui se passe dans l’Indopacifique à l’initiative de Washington ou à l’encontre de l’Iran à l’initiative de Tel-Aviv ! – de cesser d’exciter un anticommunisme de classe qui ne peut que couper la Russie de ses appuis prolétariens potentiels tout en fournissant involontairement un aliment idéologique permanent aux ennemis du peuple russe et de la paix mondiale : car partout, l’anticommunisme, l’anti-léninisme et l’antisoviétisme, qu’il est absurde de prétendre dissocier, ont toujours pavé la voie du fascisme, du nazisme, de la guerre impérialiste et des pires catastrophes humaines : les peuples ont payé cher pour l’apprendre à leurs dépens, à commencer par les peuples russe, ukrainien et biélorusse !

En résumé, Vladimir Vladimirovitch, l’anticommunisme et l’anti-léninisme sont objectivement des facteurs majeurs de fracturation sociopolitique à l’intérieur de la Russie, et sans doute aussi dans les Républiques populaires et majoritairement prolétariennes du Donbass ; de la même façon, l’anticommunisme et la léninophobie de votre discours du 22 février ne peuvent que semer le doute en Ukraine, y compris chez ceux qui espèrent de la Russie qu’elle les libèrera de la pourriture humaine d’Azov, d’Aïdar et de Pravyi Sektor. Plus gravement encore, l’anti-léninisme et l’anticommunisme travestis en « antitotalitarisme » nourrissent le néofascisme dans toute l’Europe : ils aident à relancer l’impérialisme allemand et son réarmement tout en participant de l’aggravation permanente de la russophobie et de son frère aîné, l’antisoviétisme. Tirez-en les conséquences s’il en est encore temps, non pas à l’avantage des communistes que dans l’intérêt bien compris de votre peuple et du maintien de la paix continentale et mondiale ! Car, comme le disait Bertolt Brecht, le grand dramaturge antifasciste allemand,

« peuples, veillez, car il est toujours fécond le ventre dont est sortie la Bête immonde ». Brecht

La «Bête immonde» stigmatisée par Brecht, c’est le fascisme et l’exterminisme impérialiste ; mais le «ventre toujours fécond» qu’évoquait Brecht, on l’oublie trop souvent, c’est bien sûr le capitalisme «moderne» de plus en plus impérialiste, hégémoniste, voire exterministe, mais c’est aussi son arme idéologique la plus maléfique depuis 1917 : c’est l’anticommunisme, plus que jamais inséparable de l’antisoviétisme, de la léninophobie et, que vous le vouliez ou non, de la russophobie.

Notes de la seconde partie:

[11] Editions du Temps des cerises, 1997, prochaine réédition partiellement actualisée en vue chez Delga.

[12] « La souveraineté réside essentiellement dans la nation qui l’exerce directement par voie de référendum ou par l’entremise de ses représentants » proclame encore le préambule de l’actuelle Constitution française directement issu de la Constitution républicaine de 1946.

[13] Le vocabulaire russe n’a pas les connotations « girondines » du mot français « fédéral » : tout étant relatif, le «fédéralisme» stalinien était une forme de centralisme comparé au «confédéralisme» léninien qui, en somme, outre le socle socialiste commun, ne concédait à l’Etat multinational soviétique que les principaux secteurs régaliens, le contenu de classe des rapports de production étant le socle commun du nouveau régime. Pour résumer, non pas «un pays, deux systèmes», mais si j’ose dire, «plusieurs pays (marchant vers des liens de plus en plus étroits), un seul système économique et social».

[14] Le symbole du drapeau rouge est né en France en pleine révolution sans-culottes, que c’est sur le dernier drapeau rouge de la Commune de Paris que repose le corps de Lénine à Moscou et qu’en 1792, cet étendard frappé des mots «loi martiale du peuple souverain» et porté par les ouvriers parisiens en place de Grève, fut le premier symbole non spécifiquement russe ou français, mais potentiellement mondial, de ce qu’on nommerait par la suite la dictature du prolétariat.

[15] Sous la direction des ouvriers communistes parisiens Henri Rol-Tanguy et André Tollet, le chef de file national des FTP étant Charles Tillon, l’ancien dirigeant communiste des Mutins de la Mer Noire qui refusèrent ? au péril de leur propre vie, de tirer sur le peuple travailleur en révolution d’Odessa la Rouge.

[16] Il s’agit du chef de file du PC d’Allemagne qui fut emprisonné puis assassiné en prison sur ordre d’Hitler. C’est ce martyr ouvrier du combat antifasciste que les amis de Mme Annelore Bärbock, une élue verte qui se réclament de la gauche, veulent déshonorer post mortem en l’accusant d’avoir été trop proche des Russes !

[17] Des paroles initiales que connaissent encore pourtant tous les Soviétiques, y compris les jeunes, comme en témoigne sur la Toile la vidéo de l’Équipe nationale russe de rugby entonnant à l’unisson, avec un large sourire complice, les paroles communistes et internationalistes de l’hymne soviétique, et non pas russe, que venaient de lancer par erreur les organisateurs d’une rencontre internationale de rugby…

Lien vers la première partie : https://a-contre-air-du-temps.over-blog.com/2022/06/adresse-du-communiste-georges-gastaud-a-vladimir-v.poutine.html

Source des deux parties de l'Adresse de G. Gastaud à Vladimir Poutine

https://www.initiative-communiste.fr/articles/culture-debats/adresse-a-vladimir-v-poutine/

Adresse du communiste Georges Gastaud à Vladimir V. Poutine (deuxième partie)
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