Lénine assiste au défilé des troupes du Vsevobuch, Moscou, 25 mai 1918 (Photographie en couleurs de Klimbim)

Lénine assiste au défilé des troupes du Vsevobuch, Moscou, 25 mai 1918 (Photographie en couleurs de Klimbim)

Acvtualisé le 17/06/2022 à 12:30

Je me suis permis de mettre en gras dans le texte de G. Gastaud certains passages. Je l'ai fait pareillement dans l'introduction de son texte par «Initiative communiste». Le choix de l'image en tête de la première partie du texte de G. Gastaud me revient également...

Par Michel Aymerich

Georges Gastaud a produit un texte de grande valeur  «ANTICOMMUNISME ET «LENINOPHOBIE» : DEUX PIEGES MORTELS POUR QUI VEUT VRAIMENT VAINCRE LE NEONAZISME, LA RUSSOPHOBIE ET LA MARCHE DE L’U.E.-O.T.A.N. A LA TROISIEME GUERRE MONDIALE » sous forme d'adresse à Vladimir V. Poutine. Texte dont je partage 99% du contenu et de la forme (exceptée une erreur mineure sur la forme et non le fond concernant un événement historique. Erreur que je vais signaler à l'auteur). C'est parce-que ce texte est d'une valeur indéniable que je le reproduis ici et que je choisis de le présenter sur mon blogue en deux parties afin d'en faciliter la lecture et inciter le plus grand nombre à le lire jusqu'au bout et à le partager.

Ce faisant, je ne me satisfais pas le moins du monde de ma trop modeste contribution à élargir la diffusion de ce texte exclusivement par le moyen d'Internet. Car ne nous leurrons pas. Rares sont celles et ceux qui liront jusqu’au bout ce long texte de près de 28 pages (format Word) sur Internet. Non ce texte est en soi une brochure du fait de sa longueur et de sa structuration, et il a pour vocation à être lu sous forme de brochure imprimée !

Sous sa forme appropriée de brochure, tout militant du PRCF, tout communiste en général (pas seulement en France!), toute personne sincèrement et sérieusement de gauche s'efforçant d'y voir plus clair pourra lire à tête reposée, relire et faire lire cette adresse du communiste léniniste G. Gastaud à Poutine.

Sous forme de brochure, les militants pourront diffuser ce texte et armés de celui-ci, ils pourront argumenter afin de gagner de nouveaux militants. Des jeunes travailleurs, étudiants compris, organisés ou non dans des structures politiques, constituent une partie des importantes réserves dans lesquelles il est possible et nécessaire de puiser. Mais il faut les former sinon ils finiront par se noyer dans le magma informe et aisément malléable de la « gauche » social-impérialiste. Cette brochure peut y contribuer puissamment à condition de s'en servir comme outil de travail politique.

De surcroît, cette brochure, de par la méthode marxiste employée, de par son caractère léniniste assumé et affirmé, ne perdra pas de sa pertinence quel que sera le cours à venir des événements. Voyez des brochures de Lénine telles que Le socialisme et la guerre ou La faillite de la II° Internationale, et d'autres. On a pu les lire 10 ans, 20 ans, 50 ans, 80 ans après leur rédaction. Et elles sont toujours d'actualité en 2022 ! Ceci de par la méthode employée. Ma comparaison est volontaire. L'écrit du camarade Gastaud doit impérativement, selon moi, être publié sous forme de brochure. De préférence du format justement choisi historiquement pour les écrits de Lénine précités. Format de poche, facile à transporter. Format de poche (non identique) partagé tant par les éditions du Progrès (Moscou) que de Beijing ou de Tirana...

De gauche à droite, Editions « 8 Nëntori »Tirana, 1981 ; Editions en langues étrangères, Pekin 1970 ; Editions sociales * Paris Editions du Progrès * Moscou, 1975
De gauche à droite, Editions « 8 Nëntori »Tirana, 1981 ; Editions en langues étrangères, Pekin 1970 ; Editions sociales * Paris Editions du Progrès * Moscou, 1975

Bien que non membre du Pôle de renaissance communiste en France (PRCF), mais néanmoins intéressé en tant que sympathisant à la diffusion des écrits de G. Gastaud et d'autres militants communistes car objectivement intéressé à la reconstruction d'un authentique parti communiste marxiste-léniniste qui manque cruellement en France, je me permet de conseiller à l'occasion d'une nécessaire impression sur papier sous forme de brochure du texte de Gastaud de le faire éditer en tant que Editions du PRCF ou bien en tant que Collection du PRCF...

Parallèlement, étant donné sa portée internationale, j'appelle à faire traduire ce texte en différentes langues : russe, chinois, allemand, anglais, espagnol, portugais, arabe et turc et à le publier sous forme de brochure dans ces différentes langues...

Faute d'éditeur français, un éditeur étranger ou plusieurs éditeurs pourraient-ils entreprendre la publication dans au moins l'une de ces langues ?

Adresse à Vladimir V. Poutine.

8 Juin 2022

PÔLE DE RENAISSANCE COMMUNISTE EN FRANCE – PRCF – 24 mai 2022

ADRESSE A VLADIMIR V. POUTINE

Militants franchement communistes et fièrement léninistes, nous avons le courage, presque seuls en France – alors que la «gauche établie», y compris les composantes de la « Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale » (L.F.I., P.S., E.E.L.V., P.C.F.), veut envoyer encore plus d’armes lourdes au furieux Volodimir Zelensky, donc à ses milices néonazies du type «Azov» ou «Aïdar»… – de contrer journellement la russophobie et la sinophobie délirantes, de refuser la sotte «psychiatrisation» des décisions du président russe, de braver la haine des fauteurs d’escalade irresponsable et de souligner la dette inextinguible qu’ont les Français à l’égard de l’Armée rouge, comme l’a montré notre Appel du 9 mai 2022. Alors qu’en France et ailleurs tant de renégats du communisme et du léninisme rallient l’union sacrée antirusse qui peut mener à la guerre nucléaire mondiale, nous reprenons fièrement à notre compte l’appel courageux que proféra Maurice Thorez, le secrétaire général du PCF, durant la guerre froide alors que notre pays, déjà largement asservi à l’ordre atlantique, était livré à une intense propagande de guerre antisoviétique :

«Jamais, non jamais, le peuple de France ne fera la guerre à l’Union soviétique!».

Pour ces diverses raisons, nous sommes politiquement et éthiquement légitimes pour publier la présente interpellation critique mais pleinement respectueuse à l’égard du peuple russe, à l’adresse de Vladimir Vladimirovitch Poutine, président de la Fédération de Russie et Commandant en chef des Armées russes. Nous n’oublions pas pour autant que, comme l’a déclaré le Comité central du Pôle de Renaissance Communiste en France dès le 25 février 2022,

«l’Alliance atlantique et l’Union européenne qui lui est indissociablement arrimée, sont les ennemis principaux des peuples et de la paix mondiale»,

Ce qui fait de ces deux entités supranationales étroitement imbriquées les ennemis mortels du peuple français : car, très vraisemblablement, ce dernier disparaîtrait sans reste de la surface de la Terre à l’issue d’une troisième guerre mondiale à dimension nucléaire et de portée pan-destructive que prépare l’envoi suicidaire et illimité d’armes lourdes françaises à l’irresponsable boutefeu V. Zelensky. C’est pourquoi nos affiches disent aussi que

« Monde pacifique et Europe atlantique sont comme l’eau et le feu ».

Nous n’en sommes que plus libres, nous qui ne courtisons aucun pouvoir établi, que ce soit en France ou ailleurs, pour rappeler

notre engagement patriotique, pacifique et internationaliste pour la dissolution de l’Alliance atlantique,

contre l’actuel réarmement allemand (et japonais !),

pour le désarrimage de la France de l’UE-OTAN, pour la dénazification complète de l’Ukraine et de toute l’Europe, où l’extrême droite raciste a presque partout le vent en poupe,

contre la marche à la guerre exterminatrice de l’impérialisme américain contre la Russie et la Chine, voire contre l’Iran,

pour déclarer que notre refus catégorique de la russophobie n’a que faire de l’anti-léninisme, de l’antibolchevisme et de l’anticommunisme qui sont les ferments permanents de la fascisation continentale et de la marche vers la troisième guerre mondiale à l’initiative du bloc euro-atlantiste aiguillonné par l’hégémonisme destructif et sans retenue de l’Axe anglo-saxon Washington-Londres-Canberra-Ottawa.

C’est pourquoi nous publions ci-dessous L’Adresse à Vladimir V. Poutine, président de la Fédération de Russie, à propos de ses attaques contre Lénine en date du 22 février 2022 rédigée par notre camarade Georges Gastaud, professeur agrégé de philosophie, auteur notamment de Mondialisation capitaliste et projet communiste (1997), Patriotisme et internationalisme (2011) Le nouveau défi léniniste (2017), et co-auteur du livre La Russie sans œillères (2022). Cette adresse constituant un commentaire critique du discours historique prononcé par le président Poutine le 22 février 2022 à la veille de l’intervention armée russe en Ukraine.

ANTICOMMUNISME ET « LENINOPHOBIE » : DEUX PIEGES MORTELS POUR QUI VEUT VRAIMENT VAINCRE LE NEONAZISME, LA RUSSOPHOBIE ET LA MARCHE DE L’U.E.-O.T.A.N. A LA TROISIEME GUERRE MONDIALE

Première partie

Par Georges Gastaud, auteur de Patriotisme et internationalisme (2011) et du Nouveau défi léniniste, 2017

Lors de son allocution télévisée présidentielle du 22 février 2022, Vladimir Vladimirovitch Poutine, président de la Fédération de Russie et Commandant en chef des Armées russes, en a fait l’implacable démonstration: les dirigeants hégémonistes des Etats-Unis d’Amérique et leurs vassaux euro-atlantistes de l’Union européenne n’ont rien fait d’autre depuis l’unification allemande, notamment depuis les Accords interallemands dit 4 + 2 de 1990 et le démantèlement de l’Union soviétique (été 1991), que planifier l’encerclement militaire de la Russie postsoviétique en la pressant sur toutes ses frontières ou en soutenant des forces hostiles, voire carrément terroristes, dans le Caucase (guerre de Tchétchénie). Voire en mettant littéralement «le couteau sous la gorge» de Moscou, comme l’a signalé V.V. Poutine le 22 février, avec des projets cyniquement revendiqués de «changement de régime» à Moscou (donc d’ingérence politique affichée dans les affaires russes), voire de découpage impérialiste revendiqué du territoire russe[1]. Cette dénonciation irréfragable de l’agression généralisée planifiée contre la Fédération de Russie forme l’aspect principal de l’intervention de V.V. Poutine et l’on comprend que la propagande de guerre pseudo-« pluraliste » des gouvernants occidentaux ait tout fait pour occulter ce réquisitoire factuel et rigoureux qui établit irréfutablement de quel côté il faut chercher la responsabilité morale et politique principale du conflit qui ne cesse de s’aggraver à propos de l’Ukraine, voire plus globalement d’une bonne partie de l’ «étranger proche» de la Fédération russe: cette responsabilité principale est très clairement du côté de Washington et d’une Union européenne de moins en moins dissociable de l’OTAN.

Malheureusement, croyant sans doute ainsi rassurer le philistin russe ou étranger que pourraient inquiéter les accents antifascistes, anti-impérialistes et néo-«soviétiques» (donc «crypto-communistes»…) de la contre-offensive russe prévisible en Ukraine, M. Poutine s’est livré le 22 février à une charge violente contre la Révolution d’Octobre (qualifiée de «coup d’Etat»), contre le PCUS (dont M. Poutine fut pourtant longtemps membre…) et contre le «régime totalitaire de pauvreté généralisée» (sic) qu’était le socialisme soviétique aux yeux des «nouveaux Russes» et autres grands bénéficiaires de la ruineuse restauration capitaliste des années 1990. Bien entendu, M. Poutine n’oublie pas non plus d’attaquer au passage Joseph Staline et son régime «totalitaire de terreur»… Pourtant, c’est avant tout contre la mémoire de Vladimir Ilitch Lénine que s’est déchaîné le président russe le 22 février 2022, à la veille de l’entrée des troupes russes en Ukraine. Véritable génie du mal selon l’actuel président russe, le fondateur du Parti communiste bolchevik de Russie, futur PCUS, est accusé post mortem de haute trahison de la patrie russe, de complicité avec l’impérialisme allemand (on a là la reprise d’une antienne des menchéviks et de la réaction russes…) et d’extrême complaisance envers les séparatistes ukrainiens des années 1920. Contrairement à Joseph Staline, que Poutine félicite à demi-mots d’avoir défendu une vision et une pratique centralistes et russo-centrées de la jeune Fédération soviétique, Lénine est condamné à une forme de damnatio memoriae pour avoir privilégié une approche confédéraliste de l’URSS (et de fait, Lénine proposait en effet une confédération d’Etats socialistes juridiquement souverains puisque disposant tous du droit permanent de se détacher de l’URSS). V.I. Oulianov est également accusé d’avoir bradé le territoire russe aux Allemands lors de la paix de Brest-Litovsk (1918), voire, least and last, d’avoir créé de toutes pièces l’Etat artificiel et non viable qu’était, ab ovo selon V.V. Poutine, la défunte République Socialiste Soviétique d’Ukraine. Bref, aux yeux du très anticommuniste et anti-bolchevik président russe actuel, c’est tout juste si Lénine, mort voici près d’un siècle, n’est pas plus coupable encore de l’actuel pourrissement de la crise ukrainienne, que ne le sont directement, présentement et objectivement MM. Joe Biden, Volodimir Zélensky, Mikhaïl Gorbatchev, Boris Johnson et Boris Eltsine réunis[2]…

Mon propos sera ici d’établir que la violente attaque de V.V. Poutine contre Lénine à la veille de l’offensive militaire russe en Ukraine n’est pas seulement partiale, injuste et historiquement erronée : elle est aussi, politiquement et militairement parlant, inconsidérée et contre-productive, voire potentiellement autodestructive. Cette diversion antibolchévique caractérisée est même carrément dangereuse idéologiquement et tactiquement face à la menace gravissime que le régime oligarchique de Zelensky, allié aux néonazis du Bataillon Azov et totalement aux mains des faucons de Londres et de Washington, fait peser, non seulement sur la population ouvrière martyrisée du Donbass, non seulement sur le devenir immédiat et à long terme de l’Ukraine et de la Russie, non seulement sur l’ensemble du sous-continent européen, France incluse, mais aussi sur l’avenir global de l’humanité. Un avenir que les livraisons d’armes lourdes occidentales (y compris françaises hélas) sous les applaudissements de la fausse gauche française social-impérialiste et social-hégémoniste, entraînent pas à pas vers une possible guerre mondiale d’entre-extermination nucléaire, c’est-à-dire vers la plus grande catastrophe humaine qui se puisse concevoir.

C’est de ce point de vue, celui d’un philosophe marxiste-léniniste non repenti, d’un patriote français fils de Résistant antinazi et d’un militant communiste engagé depuis toujours contre le capitalisme-impérialisme-exterminisme moderne, que nous interpellons ici M. Vladimir V. Poutine, président de la Fédération de Russie et Commandant en chef des Armées russes.

I – UNE VISION ANTICOMMUNISTE BIAISEE, VOIRE INVERSEE, DE L’HISTOIRE RUSSE MODERNE

Il est d’abord absurde, quoique trivial, d’accuser Lénine d’avoir organisé un «coup d’Etat» en octobre-novembre 2017. En fait, c’est la grande bourgeoisie russe et néo-tsariste qui, ne supportant plus le spectacle horrifique des soviets ouvriers et paysans siégeant à toute heure et pratiquant la démocratie populaire directe, a d’abord tenté, au moyen du coup d’Etat de droite du général tsariste Kornilov, de renverser le gouvernement provisoire bourgeois d’Alexandre Kerenski, le but de ce putsch avorté étant d’imposer une dictature «blanche», d’écraser la révolution populaire enclenchée en mars 1917 (à l’initiative, rappelons-le, des femmes bolchéviques de Petrograd manifestant à la date symbolique du 8 mars…) et vraisemblablement, de restaurer la monarchie impériale. Héroïquement, et alors que le gouvernement Kerenski perdait littéralement les pédales à Petrograd, les ouvriers bolcheviks surent stopper net, avec l’appui des garnisons rouges entourant la capitale nordique, les troupes cosaques de Kornilov et de sa « division sauvage » ; ce faisant, honneur à lui, ce détachement de la future Armée rouge a ainsi probablement empêché la Russie de devenir le premier Etat fasciste (avant la lettre) de la planète. Lénine a alors compris que le temps des compromis possibles avec les mencheviks et autres centristes impuissants était révolu : puisque les mencheviks et les (fort mal nommés) « socialistes-révolutionnaires » qui dominaient provisoirement les Soviets, ne voulaient rompre à aucun prix avec le gouvernement bourgeois de Kerenski, puisqu’ils voulaient continuer coûte que coûte la guerre impérialiste aux côtés de l’Entente impérialiste anglo-française, puisqu’ils ne voulaient pas remettre sans retard aux paysans travailleurs les terres des aristocrates, et puisque les dirigeants conciliateurs des soviets se soumettaient à la tutelle agressivement antibolchévique du gouvernement Kerenski (incapable de faire front au putsch de Kornilov, Kerenski n’en avait pas moins interdit le Parti bolchevik et proscrit Lénine en juillet 1917…), il n’y avait objectivement plus d’autre alternative réelle pour la Russie que celle-ci : soit une forme de dictature blanche et néo-tsariste se subordonnant à l’impérialisme occidental, soit la dictature du prolétariat allié à la paysannerie russe : c’est-à-dire le pouvoir des soviets d’ouvriers et de soldats, dont la majorité écrasante était d’origine paysanne et dont une bonne partie désertait le front depuis la Révolution de février. C’est au fond une situation analogue qu’avaient connue mutatis mutandis en leur temps les Sans-Culottes parisiens alliés aux députés de la Montagne au début de l’An II de la Première République française (1793): comme l’a jadis puissamment démontré le grand historien français Albert Mathiez, l’avant-garde agissante de la Révolution française qui se regroupait autour du Club des Jacobins dut alors choisir sans atermoiements entre, d’un côté, l’alliance objectivement contre-révolutionnaire des Girondins (grande bourgeoisie), des royalistes (aristocratie), des insurgés vendéens ultra-réactionnaires et des puissances monarchistes européennes coalisés contre la France et, de l’autre côté, la mise en place autour de Robespierre, Couthon et Saint-Just d’un nouveau Comité de salut public combatif chargé de «terroriser» sans merci la contre-révolution, la trahison militaire et la droite girondine meurtrière de Marat qui ralliait à bas bruit la réaction blanche par crainte et rejet du mouvement populaire des ouvriers, des artisans et des paysans. C’est que, de fait, il n’existait objectivement plus de tierce solution. Dans ces conditions, si Robespierre en 1793, comme Lénine en 1917, eurent l’insigne mérite de choisir clairement leur camp et de le mener à une victoire militaire éclatante en s’inscrivant dans le cadre des alternatives réellement établies par l’histoire de leurs pays respectifs, ces figures de proue de l’histoire progressiste mondiale n’eurent pas le loisir de choisir, ni l’alternative, ni les termes de l’alternative qu’imposait implacablement le choc titanesque des classes en lutte : car, comme Maximilien Robespierre le dira à la tribune de la Convention nationale,

«Ceux qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se préparer un tombeau» ! Robespierre

N’en déplaise à M. Poutine, c’est dans des conditions dramatiques de ce type, celle d’une situation objectivement révolutionnaire, qu’a été décidée l’insurrection des bataillons rouges du 7 novembre 1917, lesquels conquirent le pouvoir et investirent le Palais d’Hiver pratiquement sans effusion de sang tant la crise politique et institutionnelle russe avait alors mûri. Encore cette insurrection n’avait-elle pas pour but de «prendre le pouvoir», encore moins de le monopoliser et de le confisquer sans fin : il s’agissait tout au contraire de l’ôter des mains d’un gouvernement bourgeois totalement impuissant et dépassé pour le transférer démocratiquement aux soviets ouvriers et paysans où parallèlement, de manière parfaitement démocratique et par un patient travail de conviction (et aussi du fait de leur victoire sur Kornilov qui leur avait valu un grand prestige populaire), les bolcheviks devenaient rapidement majoritaires. C’est cette épopée profondément démocratique, non pas identique certes, mais essentiellement analogue à ce qui s’est passé en France après le 10 août 1792, ou lors de la formation de la première (1792), puis de la seconde Commune de Paris (1871), que relatera de manière très vivante le récit du grand reporter américain John Reed, acteur et témoin oculaire des évènements, et intitulé Dix jours qui ébranlèrent le monde. Ce grand lauréat du journalisme américain qu’était Reed y relate moins l’insurrection du 7 novembre que les fiévreuses journées d’embrasement démocratique qui la suivirent sous la forme d’un intense débat politique librement mené dans tout le pays pour savoir si le peuple russe allait ou non basculer vers l’acceptation enthousiasmante du pouvoir ouvrier et paysan et de son programme ainsi résumé : «la paix pour les peuples!», «la terre aux paysans!», «le contrôle ouvrier sur la production!», «tout le pouvoir aux conseils ouvriers et paysans!», «aucun soutien au gouvernement provisoire bourgeois!» arrimé à l’impérialisme occidental par les traités secrets signés par le tsar avec Londres et Paris bien avant le conflit de 1914. Et ce sont bel et bien les soviets ouvriers et paysans – que manifestement n’aime pas M. Poutine (ce qui ne l’empêche pas d’utiliser sans s’y étendre l’expression saviétskayé narod, le peuple soviétique…), qui acceptèrent formellement, à l’issue de débats et de scrutins non moins épiques que ceux qui, chez nous, proclamèrent la première République et décrétèrent l’exécution de Louis XVI, que le Comité militaire insurrectionnel leur remît le pouvoir d’Etat en instituant le premier gouvernement soviétique. Tout cela, comme on le voit, est le contraire d’un « coup d’Etat » ! Par la suite, la guerre dite civile, où l’Armée rouge ouvrière et paysanne balaya les Armées blanches soutenues par quatorze corps expéditionnaires étrangers (dont la Marine française envoyée par Clémenceau pour châtier Odessa-la-Rouge, et que mutineront André Marty, Charles Tillon et l’institutrice bolchévique Jeanne Labourbe), a montré plus clairement que n’importe quel référendum, aussitôt violé et piétiné par la bourgeoisie, de quel côté penchaient effectivement « à la vie, à la mort », les masses populaires face à la coalition contre-révolutionnaire russe et mondiale: pas question alors pour l’écrasante masse des travailleurs de Russie de rendre le pouvoir d’Etat, les usines, la terre et les armes aux capitalistes, aux propriétaires fonciers et à leurs superviseurs anglo-français ! Pas question de renvoyer au front les fils des travailleurs destinés à servir de chair à canon à l’impérialisme russo-occidental, mais appel aux travailleurs du monde et aux peuples du monde entier à cesser immédiatement la tuerie impérialiste «sans conditions ni annexions» et sous le nouveau mot d’ordre de l’Internationale communiste émergente «Prolétaires de tous les pays, peuples opprimés de la Terre entière, unissez-vous !»…

Non seulement l’attitude de Lénine et des bolcheviks n’a donc clairement pas été «antipatriotique» ou antirusse, n’en déplaise à M. Poutine qui réécrit l’histoire dans le sens des «Blancs» amis et relais des Clémenceau, Wilson et autre Lloyd George, mais Lénine avait lui-même signalé, dès l’été 1917, que la bourgeoisie russe jusqu’alors officiellement «nationaliste», germanophobe et «jusqu’au-boutiste», c’est-à-dire prête à se battre jusqu’au dernier paysan russe, songeait sérieusement à ouvrir Petrograd à l’armée du Kaiser alors toute proche afin d’écraser l’ennemi principal des privilégiés de Russie: non pas l’envahisseur prussien de plus en plus menaçant, mais le peuple ouvrier en révolution depuis le renversement du tsar obtenu au prix du sang en février 1917. En réalité, si l’armée russe dirigée par Kerenski et/ou par Kornilov avait dû continuer à se battre contre l’Allemand ou de feindre le faire (car elle subissait défaite sur défaite et les paysans-soldats la désertaient massivement pour participer au partage des terres engagé dans les villages…), cette poursuite déraisonnable de la guerre eût amené à la fois la ruine de la Révolution russe, l’écroulement de l’Armée russe bourgeoise et la probable occupation allemande de Petrograd et de la Russie d’Europe. Joli patriotisme en effet, dans les conditions d’alors, que ce jusqu’au-boutisme sans perspectives réelles de Kerenski et Consorts ! En réalité, Lénine était un homme d’Etat hautement réaliste. Comme il l’a écrit par ailleurs, et contrairement à ce qu’allègue M. Poutine, il s’est toujours montré sensible à ce qu’il appelait lui-même la «fierté nationale des Grands-Russes», même s’il n’en a jamais argument pour dominer d’autres peuples. En définitive, Lénine a sagement et prudemment fait – y compris du point de vue de l’intérêt national russe bien compris ! – d’enjoindre les diplomates soviétiques traitant avec les Allemands de signer l’armistice de Brest-Litovsk (un texte que Lénine qualifiera de honteux du point de vue territorial, mais qui était par avance nul et illégitime à ses yeux sa signature ayant été extorquée sous l’empire de la contrainte). Contre-épreuve de ce positionnement hautement responsable de Lénine à l’égard de la Révolution et de la Russie, Léon Trotski, que le pouvoir des Soviets avait chargé de négocier la paix avec les Allemands, ne se résolvait pas à signer le traité de Brest-Litovsk et il croyait même astucieux de faire traîner les négociations avec l’état-major ennemi. Lénine a fini par tancer publiquement le plénipotentiaire russe en faisant remarquer que, plus les pourparlers traîneraient en longueur, et plus les exigences allemandes monteraient aux dépens de la Russie puisque, entretemps, l’armée allemande gagnait du terrain ; en conséquence de quoi la Russie soviétique perdrait encore plus de territoire supplémentaire si elle tardait à signer ! Bref, face à un impérialisme allemand provisoirement plus fort, il fallait signer au plus tôt le traité honteux pour assoir le pouvoir des Soviets, construire la nouvelle Armée ouvrière et paysanne et pour aussi, quand les temps seraient mûrs pour cela, reprendre le jour venu les territoires injustement arrachés par le Reich. Ce sont alors les jusqu’aux-boutistes russes que semble tant admirer M. Poutine et qui, y compris dans les rangs des bolcheviks et des «socialistes-révolutionnaires», refusaient de prendre acte des réalités militaires qui, à leur insu, servaient alors l’impérialisme occidental et desservaient profondément, et la Révolution populaire, et l’intérêt à long terme de la Russie. C’est d’ailleurs une toute autre armée que l’armée tsariste en décomposition, c’est l’Armée rouge des ouvriers et des paysans qui, forgée par Lénine avec l’aide efficace de Trotski, qui reprendra ultérieurement la lutte, qui balaiera les armées blanches et qui chassera les envahisseurs occidentaux allemands, anglo-français ou polonais. Et c’est encore cette même Armée rouge tout à la fois patriotique et de classe qui plus tard, en 1945 et sous la conduite du Parti communiste dirigé par Staline, reprendra à l’impérialisme germano-hitlérien avec principal, intérêts et arriérés (notamment la Prusse orientale de Kaliningrad, ex-Königsberg notamment !) les terres russes concédées de mauvais gré par les bolcheviks provisoirement en situation militaire désespérée, lors de la terrible année 1918.

Quant à la formation de la République socialiste soviétique d’Ukraine, première forme historique d’un Etat ukrainien spécifique associé et non soumis à la Russie soviétique, nous noterons trois choses à l’avantage, voire à la gloire impérissable de V.I. Lénine :

A l’encontre de ce que prétend M. Poutine, les mouvements nationaux ukrainiens, étaient déjà forts avant Octobre 1917 dans toutes les marches de l’Empire russe où le pouvoir central s’était séculairement efforcé d’imposer par la force le tsar russe, l’Eglise orthodoxe russe, la culture et la langue russes : Polonais, Ukrainiens, Géorgiens, Finlandais, Arméniens, etc., n’en pouvaient plus de cette «prison des peuples» qu’était l’Empire des tsars dans lequel l’antisémitisme d’Etat et les pogroms hideux étaient érigés en techniques de gouvernement. Très logiquement, ces mouvements nationaux périphériques avaient été électrisés et dynamisés par l’écroulement du tsarisme et par la victoire – inconséquente et insuffisante encore – du processus démocratique engagé à la fin de l’hiver 1917. Un renversement que, peut-être, vous regrettez, M. Poutine ? Lénine n’a alors rien fait d’autre qu’appliquer démocratiquement le programme national de la révolution prolétarienne qui tient dans les mots «droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes», un principe qui depuis lors, est devenu le socle universel de la Charte des Nations-Unies et qui, à l’insu peut-être de M. Poutine, constitue la base de ce « multilatéralisme » mondial que la Russie actuelle oppose avec justice à l’hégémonisme atlantiste et à son prétendu « droit d’ingérence ». Parce qu’elle était prolétarienne, populaire et anti-impérialiste, la Révolution d’Octobre 1917 a très légitimement fait (même si l’on peut éventuellement discuter certaines décisions rapides prises au feu des évènements révolutionnaires) ce qui figurait depuis vingt années dans les thèses du Parti ouvrier social-démocrate de Russie : permettre aux nationalités « allogènes » (= non russophones), qui formaient près de la moitié de la population de l’Empire, lettons, polonais, estoniens, « Petits-Russiens » et «Blancs-Russiens» (= Ukrainiens et Biélorusses), Turkmènes, Géorgiens, Arméniens, Ouzbeks, Azéris, etc., de constituer leur propre République socialiste : si possible dans le cadre de la libre Union des Républiques socialistes et soviétiques que célébrait les deux premiers vers de l’hymne soviétique, sinon, à l’extérieur de ladite Union.

Dans le même temps, Lénine proposait la mise en place – en lieu et place de l’ancien Empire grand-russien rejeté par les peuples, à commencer par le peuple russe qui avait pris l’initiative de renverser lui-même l’Empereur et l’Empire ! – d’une libre Union socialiste de Républiques égales et souveraines dans laquelle chacune des Républiques associées serait strictement l’égale des autres en droits comme en devoirs. Loin de pousser l’ancien espace impérial à la dislocation, Lénine expliquait pourtant que «le droit au divorce n’est aucunement l’appel au divorce», que la liberté de reprendre sa liberté, dans un couple marié comme dans un ensemble politique de dimension multinationale, est de nature à réfréner les séparatismes périphériques, comme elle ne peut que tendre aussi à limiter les tentations oppressives du côté du « centre », c’est-à-dire du côté de la nationalité dominante ; au final en effet, une union multinationale fondée sur la liberté, sur l’égalité et sur la solidarité mutuellement consentie est naturellement plus solide à long terme que ne peut l’être un mariage forcé où l’un des deux partenaires domine l’autre en entretenant un climat permanent d’oppression et/ou de révolte larvée.

Lénine militait aussi pour que le Parti communiste bolchevik de Russie, le futur Parti Communiste de l’Union soviétique (PCUS), conservât pleinement son caractère multinational, pour qu’il détînt le rôle politique dirigeant dans toute l’Union, pour qu’il fût formé sur chaque territoire de l’Union par des adhérents provenant indistinctement de toutes les nationalités soviétiques présentes sur place. Ce parti communiste des ouvriers et des paysans, il fallait qu’il s’administrât lui-même, non pas sur un mode fédéraliste ou confédéraliste, c’est-à-dire en cousant ensemble l’habit d’Arlequin de motions disparates provenant de partout, comme le voulaient les mencheviks, mais d’après le principe clairement « jacobin » (pour parler français) du centralisme démocratique dont Lénine avait tracé les contours dans sa célèbre brochure Que faire? Cela signifiait que le congrès communiste de toute l’Union soviétique, que sa ligne générale et ses instances élues centralement, devaient faire loi pour l’ensemble des partis communistes nationaux agissant dans chaque république soviétique, partis ukrainien, transcaucasien, ukrainien, biélorusse, etc., chacun de ces congrès « républicains » étant chargé de décliner localement et localement les grandes orientations fixées à l’échelle « panrusse » comme on disait initialement (fédérale, comme on dira par la suite). Politiquement parlant, Lénine expliquait que les tâches respectivement conférées aux communistes du « centre » (= les Russes, « Moscou ») et à ceux des périphéries (Minsk, Kiev, Tbilissi, Erevan, Bakou, Samarkand, Alma-Ata, etc.) étaient pour ainsi dire complémentaires et croisées : tandis que les communistes russes devraient combattre la propension multiséculaire des « Grands-Russiens » à opprimer les périphéries, les communistes non russophones des périphéries devraient militer chez eux contre le séparatisme nationaliste, combattre les préjugés russophobes, porter la fraternité de classe avec le prolétariat de Russie. Par conséquent, le but du nouveau confédéralisme soviétique n’était certainement pas de morceler le territoire soviétique au seul profit de la réaction internationale et Lénine ne cessait d’ailleurs de rappeler que «les peuples connaissent les avantages des grands Etats» : le but était d’unir solidement les peuples de l’URSS multinationale par l’amitié et non par la contrainte et cela à partir de ce qui constitue l’essentiel aux yeux des marxistes : la propriété sociale du sol, des infrastructures et des usines, le pouvoir des travailleurs, la visée partagée du communisme, l’édification économique, culturelle et sociale coordonnée et planifiée au bénéfice du progrès général ; cela imposait aussi naturellement la mise en commun des politiques diplomatique, monétaire et militaire pour que les peuples soviétiques soient plus forts ensemble et pour qu’ils évitent d’être divisés par l’impérialisme, puis écrasés les uns après les autres. Dans ce cadre, chaque République socialiste devait conserver une large autonomie. Et Lénine faisait bien de voir les choses ainsi, car toute tentative de russifier les Républiques à l’excès et prématurément (même si le russe devait rester l’idiome véhiculaire), de centraliser l’Etat multinational davantage qu’il n’était possible à ce moment du développement historique, d’ignorer l’inégal développement initial des Républiques soviétiques (la langue nationale de certaines d’entre elles ne possédait pas encore d’alphabet et ce sont les bolcheviks qui créèrent ex nihilo les grammaires, les lexiques et la littérature de nombre de républiques et de régions autonomes de l’URSS !), ne renforcerait pas les liens entre les peuples ; au contraire, de telles tentatives prématurées ne feraient que qu’exacerber secrètement les sentiments de frustration nationale qui ne manqueraient pas tôt ou tard d’éclater et de fissurer l’URSS en danger en cas d’affaiblissement conjoncturel du « centre ». Bref, comme dans un couple (métaphore que Lénine ne cessera de filer), la meilleure garantie de stabilité – M. le Président de la Fédération russe ! – n’est pas la contrainte étatique mais la liberté, l’égalité et l’aide au développement méthodiquement apportée par les parties riches et plus industrialisées de l’Union aux parties plus rurales et moins développées : ce qui fut fait d’ailleurs, grosso modo, comme le rappelle justement votre discours du 22 février, de la Russie à l’avantage de l’Ukraine moins développée.

C’est d’ailleurs ainsi, soit dit en passant, qu’en 1991, lors du référendum organisé sous Gorbatchev sur la question de savoir s’il fallait ou pas maintenir l’URSS multinationale, 78% des Soviétiques se sont prononcés pour son maintien, et parmi eux, chose que le référentiel historique anticommuniste porté par M. Poutine ne permet guère d’expliquer, ce furent les républiques les moins riches de l’URSS, notamment les républiques dites improprement « musulmanes » d’Asie centrale, qui votèrent à plus de 90% pour sauvegarder l’Union, alors que les moins «prosoviétiques» des Républiques fédérées furent les Républiques baltes, de loin les plus riches de l’Union, ainsi que… la Russie, depuis peu présidée par l’anticommuniste pro-occidental Boris Eltsine, un alcoolique notoire lié à un clan fort familial que, par euphémisme, nous qualifierons de fort peu désintéressé.

Comme quoi, Vladimir Vladimirovitch, ce n’est pas le droit de sécession accordé par Lénine aux périphéries qui aura le plus menacé l’existence de l’URSS puisque le mauvais exemple d’un «soviet-exit» réactionnaire, grossièrement égoïste et nationaliste n’est pas initialement venu de Kiev, de Minsk, de Tachkent, de Bakou, d’Erevan ou d’Alma-Ata, mais bien… de Moscou dominé par Eltsine, l’individu qui, soit dit en passant, désignera par la suite M. Poutine comme son successeur à la tête de la Fédération, désoviétisée et esseulée à sa propre demande, de Russie !

On ne saurait donc davantage se tromper historiquement, M. le Président, ni davantage déchiffrer à l’envers, en chaussant des lunettes bourgeoises grossièrement déformantes, l’histoire moderne de la Russie et de l’URSS, que ne l’a fait hélas votre allocution du 22 février au sujet des causes, non pas « léniniennes » mais, pour le dire de manière aimablement limitative, gorbatchéviennes et plus encore « eltsiniennes », du démantèlement funeste de l’URSS ; tout cela au détriment, malheureusement, de la sécurité et du rayonnement international bien compris du peuple russe actuel.

C’est sur ces bases internationalistes et « multi-nationistes » (inventons le mot !), et non pas néo-impériales et supranationales « grands-russiennes », que sera construite au début des années 1920 la nouvelle Ukraine socialiste, républicaine et soviétique, à égalité de droits et de devoirs avec les Républiques-sœurs de Russie, de Biélorussie, de Transcaucasie, du Turkestan soviétique, etc. Le jeune pouvoir soviétique prendra d’abord démocratiquement en compte la volonté exprimée par la nouvelle « Rada » d’Ukraine, laquelle n’était aucunement une invention de Lénine, ni une émanation de quelques intellectuels nationalistes égarés, mais qui manifestait bel et bien, n’en déplaise aux nostalgiques de la Grande Russie des tsars, l’existence d’un sentiment national ukrainien émergeant d’origine non seulement bourgeoise, mais paysanne et populaire. Comme Lénine n’était pas un de ces manipulateurs néocolonialistes qui feignent d’accorder des indépendances purement formelles parce qu’ils n’ont plus la force de dominer ouvertement leurs ex-colonies, il fut alors décidé de rattacher à l’Ukraine – conçue d’emblée comme une République multinationale – la région industrielle du Don minier de manière que la classe ouvrière russophone pût y jouer un rôle-pilote (souvenez-vous Vladimir Vladimirovitch, à l’époque on disait : un « rôle d’avant-garde ») dans cette République rurale et économiquement retardataire qu’était initialement l’Ukraine des tsars : ce rattachement était bon à la fois pour la future viabilité de la jeune République socialiste soviétique d’Ukraine, mais aussi, quand on veut bien voit plus loin que le bout du bec de l’Aigle tsariste bicéphale, pour l’unité future de l’URSS et de son pouvoir ouvrier et paysan. En effet, l’essentiel pour ces marxistes qu’étaient les bolcheviks, ce n’était pas la future configuration territoriale administrative de l’URSS, encore moins la contrainte impériale forcément fragile d’un « centre » agissant brutalement à la manière du tsar, mais le rôle politique et idéologique unificateur et dirigeant de la classe ouvrière sur tout le territoire soviétique : en l’occurrence, le rôle dirigeant en Ukraine du prolétariat aguerri du Donbass, un prolétariat rouge, héroïque, russophone et ami de la Russie soviétique, et qui sera ultérieurement placé au centre de l’un des romans soviétiques les plus lus de l’après-guerre, La jeune garde de Fadeïev: une épopée prolétarienne que vous avez sûrement lu, Vladimir Vladimirovitch, souvenez-vous sans honte de votre jeunesse rouge ! Et sur de telles bases léninistes, non pas juridico-administratives mais hautement politiques, celles d’une union égalitaire et fraternelle avec la Russie et d’une alliance non moins « porteuse » et féconde entre les mineurs russophones de l’Est et les paysans ukrainophones (mais aussi magyarophones) de l’Ouest ukrainien – car c’est cela que signifie d’abord l’emblème de la faucille et du marteau, Vladimir Vladimirovitch, et pas seulement la victoire certes éclatante de 1945 qu’évoque avec raison l’actuelle Armée russe – l’Ukraine socialiste nouvelle s’est impétueusement développée et industrialisée durant des décennies, les liens fraternels, coopératifs, sentimentaux et familiaux avec le frère jumeau russe (et non pas avec le « grand » frère russe) ne cessant de s’intensifier. C’est aussi sur de telles bases populaires que, globalement, les odieux nationalistes anticommunistes, antisémites et pro-hitlériens de Bandera et Cie auront été finalement contenus et écrasés et que, globalement, les soldats de toutes nationalités, principalement ces soldats de Russie qui formaient le cœur de l’Armée rouge pour d’évidentes raisons démographiques, mais également ukrainiens, biélorusses, kirghizes, ouzbeks, kazakhs, géorgiens, lettons, etc., auront fini par balayer les hordes nazies et leurs supplétifs bandéristes en allant planter pour finir le drapeau rouge ouvrier et paysan de la victoire commune des peuples soviétiques, et peut-être – n’est-ce pas ? – du peuple soviétique en gestation[3], sur le Reichstag nazi vaincu.

Observez au passage, Monsieur le Président de la Fédération russe, que contrairement à votre excommunication post mortem de Lénine, c’est bien la politique contre-révolutionnaire, anti-léniniste et antisoviétique (au sens plein de ce mot, car le mot « Union soviétique » n’a jamais désigné seulement, ne vous en déplaise, un périmètre territorial, et encore moins une sorte de prétendue extension du « monde russe » !) qui a au contraire dynamité l’URSS en nuisant aussi gravement, à l’arrivée, au peuple russe proprement dit. D’abord avec la honteuse résolution du CC du PCUS gorbatchévien que vous citez dans votre allocution, celle de 1990 par laquelle la direction félonne des Gorbatchev, Yakovlev et Chevarnadzé permettait aux républiques soviétiques d’opposer leur véto, si elles le désiraient, à l’application sur leurs sols respectifs des lois soviétiques communes. Violation manifeste, par le PCUS dégénéré de Gorbatchev[4] du principe du centralisme démocratique, c’est l’évidence même! Ensuite, en violant les résultats du référendum de 1990, qui avait donné la victoire (78% de « Oui ») au maintien de la Fédération soviétique, et qui fut allègrement violé par les trois conjurés russe (Eltsine), ukrainien (Koutchma) et biélorusse (Chouchkevitch) proclamant unilatéralement la fin de l’URSS durant l’été 1991: ne pas oublier cela, Vladimir Vladimirovitch, quand on s’autorise à accuser Lénine de « coup d’Etat »… puisque la décision grossièrement antidémocratique de 1991 a été prise par les trois présidents antisoviétiques félons «sans consultation de personne», comme vous le disiez le 22 février 2022 à propos, non pas du dynamitage encore assez récent de l’URSS par la contre-révolution eltsinienne, mais à propos… du rattachement déjà séculaire par Lénine du Donbass prolétarien à l’Ukraine paysanne : car, répétons-le, ce rattachement stratégique du Donbass était destiné à consolider l’URSS et non à la disloquer car il s’agissait alors d’arrimer solidement et, si j’ose dire, sociologiquement, la nouvelle Ukraine à la jeune Russie soviétique : donc de servir à la fois les intérêts d’avenir du peuple travailleur russe[5] et ceux du peuple frère d’Ukraine. Entre les deux décisions scélérates que nous incriminons ici, celle du PCUS dégénéré de Gorbatchev renonçant de fait (1990) à son rôle… fédérateur et dirigeant sous la pression d’Eltsine et du séparatisme russe contre-révolutionnaire, et la décision d’assassiner froidement l’URSS prise en août 1991 par Eltsine, Chouchkévitch et Koutchma court-circuitant cyniquement leurs homologues soviétiques d’Asie centrale et du Caucase (une décision prise entre Slaves orthodoxes, donc !), le renégat anti-léniniste et antisoviétique Eltsine était devenu le président sécessionniste de la Fédération de Russie[6]. Unilatéralement, et sans la moindre réaction politique du très veule Gorbatchev qui présidait toujours l’URSS, Elstine décréta ainsi le premier, bien avant que quelque aventureux président antisoviétique de l’Ukraine ne s’y fût risqué par lui-même, que les lois russes l’emporteraient désormais sur les lois soviétiques (cela s’appelait la Déclaration de souveraineté de la Fédération de Russie, et cela a précédé de loin le séparatisme ukrainien nouveau style que vous, Vladimir Vladimirovitch imputez à… Lénine !). Bref, c’est sans doute dur à admettre, Vladimir Vladimirovitch, mais c’est bien, non pas l’Ukraine socialiste et soviétique de Lénine, mais la Russie contre-révolutionnaire, antisoviétique, séparatiste et précapitaliste d’Eltsine et de ses suiveurs carriéristes et fort peu patriotes (mais très carriéristes…) du haut appareil administratif, policier et militaire russe, qui, aux cris mensongers de « Rodina ! » (= patrie !), a déclenché la réaction en chaîne grossièrement antinationale de l’éclatement de l’URSS faisant suite à l’éclatement sous influence du camp socialiste européen et activant les tendances sécessionnistes en Russie elle-même (guerre de sécession tchétchène). Moralité, il vaut mieux éviter de réécrire l’histoire à ce sujet, et il convient encore moins, M. le Président de la Russie post-soviétique et néo-capitaliste, la relire à l’envers car, comme le disait aussi Oulianov, «les faits sont têtus»…

Le dynamitage final de l’URSS (août 1991) qui livre aujourd’hui in fine la Russie postsoviétique que dirige M. Poutine à la menace globale de l’UE-OTAN, de l’impérialisme américain, des néonazis ukrainiens et de l’Allemagne impérialiste «réunifiée» (par les bons soins de qui? du «traître» Lénine? Du «terroriste» Staline?) n’a donc nullement pris appui sur le schéma administratif et juridico-constitutionnel légué par Lénine : toute personne de bonne foi constatera en effet que tous les principes de la Constitution soviétique, et que le référendum soviétique de 1990 sur le maintien de l’URSS ont été violés grossièrement par les anti-léninistes et autres «dé-communisateurs» acharnés que furent alors les putschistes anticommunistes, anti-léninistes et antisoviétiques, et pour finir, antirusses, Koutchma, Chouchkevitch et Eltsine, sans doute le plus coupable des trois conjurés car minant à la fois le présent et l’avenir de son ex-Parti, de l’ex-Fédération soviétique… et de la Russie proprement dite ! Et pour cela, ces traîtres tout à la fois à la patrie soviétique, à la classe ouvrière et au communisme international, n’ont nullement appliqué les principes léninistes, ils les ont au contraire grossièrement violés, tant en matière de construction de l’Etat multinational qu’en matière d’organisation centraliste-démocratique du PCUS. C’est donc sur leur conscience, si conscience il y a, et non sur l’œuvre historique et proprement mondiale et universelle de Lénine qu’il faut « laisser le poids » de ces décisions iniques qui mettent peut-être aujourd’hui le monde et la Russie aux portes d’une troisième guerre mondiale : prière donc encore une fois, Vladimir Vladimirovitch, de ne pas renverser le cours réel de l’histoire en confondant révolution et contre-révolution, fondation de l’URSS et dynamitage de l’Union des Républiques socialistes, élan léniniste vers la paix mondiale et soumission veule à l’impérialisme des Gorbatchev et autre Eltsine, œuvre globale d’émancipation et retour en force construit du nazisme affilié désormais à l’OTAN sur des bases plus russophobes, plus antisoviétiques et plus anticommunistes que jamais[7] !

Du reste, M. le Président de la Fédération russe, tant que l’URSS est demeurée une fédération socialiste régie, de manière certes de plus en plus formelle et vide de contenu, hélas, par les principes équilibrés légués par Lénine (administrativement confédéralistes mais socio-politiquement centralistes), elle a franchi tant bien que mal les épreuves historiques les plus terribles. Notons en outre que sur ces bases léguées par Lénine, l’Union fut successivement régie par six secrétaires généraux du Parti, Lénine étant mort prématurément et n’ayant jamais occupé ni désiré occuper cette fonction. Parmi ces secrétaires généraux successifs (Staline, Khrouchtchev, Brejnev, Andropov, Tchernenko, Gorbatchev), l’un, Staline-Djougachvili, était géorgien et c’est sous son égide que l’URSS – et la Russie ! – ont sans doute connu le plus grand rayonnement mondial et qu’elles se sont l’une et l’autre le plus brillamment développées sur les plans industriel et militaire, et cela quoi que l’on pense du bilan du dirigeant soviéto-géorgien sur d’autres plans. Deux «genseks» sur six furent ukrainiens, Khrouchtchev et Brejnev. Et c’est le dernier d’entre eux, un Russe nommé Gorbatchev, immédiatement évincé par un second Russe nationaliste, orthodoxe (?) et félon au dernier degré (cet alcoolique totalement amoral a même interdit en 1990 le PCUS dont il avait été l’un des dirigeants totalement alignés et conformistes durant toute l’ère brejnévienne !), et tous deux passionnément anti-léninistes, qui ont dépecé l’URSS et abandonné la Russie postcommuniste elle-même aux privatisations ravageuses et aux prédations occidentales sans limites en plongeant les ouvriers, les paysans, les enseignants, les chercheurs, voire les militaires russes – en fait de «pauvreté généralisée du régime communiste» (sic) ! – dans une misère humiliante et désespérante. L’anti-léniniste Gorbatchev, que suivirent alors trop de «communistes» russes surtout soucieux de gérer leur carrière de nomenklaturistes, était lui-même si peu patriote et si peu «professionnel» qu’il a même «oublié» (est-ce bête !), lors de la «réunification» allemande, d’exiger des Occidentaux un engagement écrit garantissant la non-expansion ultérieure de l’OTAN à l’Est de la RDA annexée ! La faute à Lénine aussi, pendant qu’on y est, Vladimir Vladimirovitch (décidément, les morts ont les épaules larges !) ? En réalité, ce sont ces deux «Grands Russiens» pur jus, mais félons et plus anti-léninistes l’un que l’autre, ce Gorbatchev et cet Eltsine que votre adresse du 22 février ménage étrangement, Vladimir Vladimirovitch, qui se sont montrés au final bien plus destructeurs pour l’URSS, puis pour la Russie elle-même, que ne le furent jamais tous leurs homologues séparatistes et non moins anti-léninistes ukrainiens, tadjiks, kazakhs, moldaves, azéris et autres réunis ! N’oublions pas en outre de rappeler la lourde responsabilité des membres félons du très haut appareil d’Etat soviétique qui, parce qu’ils espéraient tout pour eux-mêmes de leurs nouveaux parrains du Kremlin, ont eux aussi froidement parjuré leur serment de servir la patrie soviétique et le PCUS jusqu’à la mort[8].

Il est donc ridicule et peu courageux de mettre en accusation Lénine, décédé en 1924, et non pas l’intouchable Gorbatchev[9] qui est toujours vivant, que vénèrent les Occidentaux (sinon les Russes, qui les méprisent tous les deux!) et qui continue d’être adulé chez vous[10] par l’oligarchie, car ce sont ces deux individus sans foi ni loi qui ont trahi la mère-patrie russe représentée sur la célèbre affiche appelant à la mobilisation générale de 1941. Le contraste est ainsi saisissant: Lénine, que d’aucuns accusent de tous les maux, a fondé l’URSS – et pour cela il a risqué sa vie et sa santé – en permettant à ses successeurs communistes d’en faire un Etat de premier plan sur la scène mondiale (industrie, science, diplomatie, éduction, santé…), alors que les contre-révolutionnaires anti-léninistes des années 1980/90 ont dynamité l’Union, martyrisé socialement les travailleurs russes, torpillé la grande science russe et gravement affaibli la Russie postsoviétique en la mettant à la merci de l’OTAN et de ses alliés néonazis d’Europe de l’Est. Car les vrais communistes, y compris nos défunts camarades Brejnev, Andropov ou Tchernenko, ont sans doute commis telle ou telle erreur, mais ils n’ont jamais eu, eux, la sottise confondante d’implorer l’ennemi – qui a bien dû rire sous cape à cette occasion ! – d’accueillir gentiment la Russie dans l’OTAN comme tel grand professionnel «décommunisé» en a eu la naïveté touchante (cf votre allocution du 22 février !) en oubliant la phrase qu’on avait pourtant dû leur enseigner à l’Ecole élémentaire du PCUS :

« Si on lui cède du terrain et qu’on le courtise, l’impérialisme ne changera pas pour autant de nature et sera même encore plus agressif ! ».

Dommage que, si «professionnels» et «désidéologisés» qu’ils se soient crus dans la foulée de Gorbatchev et d’Elstine, les dirigeants postsoviétiques de la nouvelle Russie blanche aient oublié cette évidence, et dommage pour eux, mais aussi pour le peuple russe et pour toute l’humanité, que leur flirt contre-révolutionnaire pluri-décennal avec l’impérialisme américain, avec l’impérialisme allemand et avec l’hégémonisme occidental leur revienne aujourd’hui au visage tel un un boomerang !

Du reste, croit-on savoir, l’aide du KGB de l’époque, pas si garant que cela de la solidité de l’Etat russe dès lors qu’il en allait des intérêts de la nomenklatura contre-révolutionnaire, n’aura pas été pour rien dans la déstabilisation de vos alliés des Républiques populaires d’Europe orientale et des fidèles alliés communistes est-européens du peuple russe : alors, le KGB et la CIA travaillaient peu discrètement de conserve pour ébranler la RDA d’Erich Honecker, la Roumanie de Ceausescu, la Bulgarie de Jivkov, la Hongrie de Kadar et la Tchécoslovaquie de Gustav Husak, sans parler de l’Albanie de Ramiz Alia et de la Yougoslavie «post-titiste», il est vrai déjà agonisante: comment pouvait-on penser en effet, sans félonie et/ou sans amateurisme géopolitique extrême, que le dynamitage en règle, et sous influence russo-américaine, du camp socialiste est-européen, n’entraînerait pas d’énormes conséquences internes en URSS, puis en Russie même ? Comment pouvait-on avoir la sottise politique d’imaginer que le processus contre-révolutionnaire et pro-impérialiste d’effacement du Traité de Varsovie, puis de la RDA, puis de l’URSS, s’arrêterait aimablement aux frontières russes et qu’il ne finirait pas par frapper, par ex., les marches caucasiennes de la Russie postcommuniste tout en menaçant les russophones d’Ukraine, des pays baltes, de Géorgie ou de Transdniestrie ? Ignorait-on dans l’Etat russe profond et post-communiste si fier de son «professionnalisme désidéologisé» que, depuis au moins l’époque du président américain Woodrow Wilson, le projet avoué des faucons yankees a toujours été, s’il se pouvait, de segmenter en trois le «trop vaste» territoire russe en créant et en opposant entre elles (car le processus de partition ne s’arrêterait même pas une fois les choses parvenues à ce stade !) une Russie d’Europe, un Etat de Sibérie et une République d’Extrême-Orient, ce que proposait encore récemment l’ex-secrétaire d’Etat Zbigniew Brezinski ? Mais en cette matière comme en toute autre, il n’y a que la première trahison qui coûte et il advient toujours que le premier traître en trouve un second qui le trahit à son tour, et ainsi de suite. Mais du moins, que de grâce, l’on n’accuse pas Lénine, qui fonda l’URSS et qui la construisit quasiment de ses mains en sacrifiant sa santé, de ce mixte de félonies et de naïvetés qui caractérise si pittoresquement les politiciens anti-léninistes et pseudo machiavéliens qui ont livré la patrie soviétique, voire la patrie russe, aux impérialistes allemands et américains ; en effet, cette accusation est du même niveau de crédibilité que celle qui consisterait à accuser un père d’avoir tué son fils puisque, en l’engendrant, il s’est rendu coupable d’avoir procréé un être vivant, donc ipso facto sujet à la mort. Sophisme énorme et dont le but est de disculper le véritable assassin qui abattra le fils en question soixante-dix ans plus tard ; après toutefois que, entretemps, la victime assassinée aura, entre autres, écrasé le nazisme, promu mondialement l’égalité hommes-femmes, aidé cent peuples à s’affranchir du colonialisme et permis aux travailleurs de l’Ouest, dont les Français, d’obtenir les grandes avancées sociales de 1945. Sans oublier au passage d’ouvrir à l’humanité la route de l’espace par l’entremise des communistes Youri Gagarine et Valentina Terechkova : excusez du peu en ce qui concerne le bilan du socialisme léninien sur la « conscience » duquel vous prétendez mettre le poids de la destruction de ce qu’Oulianov a créé (en tout désintéressement, lui !) et que les contre-révolutionnaires corrompus des années 1987/91 ont livré à l’ennemi global en offrant au monde le spectacle de la plus grande capitulation en rase campagne jamais effectuée par un gouvernement parlant, qui plus est, au nom du pays de Koursk et de Stalingrad !

Notes de la première partie:

[1] Dès 1918, le président « pacifiste » (!) Woodrow Wilson évoquait la perspective d’une partition du « trop grand » territoire russe. C’est cette partition qu’ont encore osé proposer récemment des congressistes américains mettant leurs pas dans ceux de Zbigniew Brezinski, qui fut le secrétaire d’Etat de James Carter et qui s’est par ailleurs vanté naguère d’avoir lancé contre l’Armée soviétique combattant en Afghanistan les terroristes intégristes du criminel Ben Laden et autres talibans.

[2] Voire vous-même, M. le Président, qui avez mis huit longues années à reconnaître et à secourir les Républiques populaires du Donbass martyrisées par le Bataillon Azov, des républiques initialement fondées et dirigées par des militants communistes et ouvriers. A l’inverse, les «mauvais patriotes» du PCFR, héritiers revendiqués du «traitre» Lénine, revendiquèrent d’emblée cette reconnaissance et d’héroïques jeunes militants communistes russes ont formé sur le champ des Brigades antinazies pour aller combattre les armes à la main Azov et autres milices d’extrême droite…

[3] Si j’ai bonne mémoire, Vladimir Vladimirovitch, l’expression peuple soviétique, que vous avez furtivement reprise le 22 février, est de Léonid Brejnev…

[4] Dont vous ne laissiez pas d’être membre, Vladimir Vladimirovitch… Avez-vous alors publiquement, courageusement et… patriotiquement dénoncé cet attentat au centralisme démocratique dont il ne se pouvait que vous, un patriote russe dont l’intelligence est reconnue de tous, n’ayez pas perçu la portée clairement et objectivement antisoviétique et, in fine, antirusse ?

[5] Au passage, Vladimir Vladimirovitch, à quel titre pourriez-vous aujourd’hui intervenir sur le sol de l’Ukraine nazifiée si vous n’y aviez été invités par les populations du Donbass rattachées à l’Ukraine par Lénine ? Espérons que, à votre demande, Vladimir Vladimirovitch, les troupes russes reconnaissantes restaureront bien vite à Marioupol et ailleurs les statues de Lénine déboulonnées par les néonazis ukrainiens!

[6] Au fait, Vladimir Vladimirovitch, n’est-ce pas Boris Eltsine qui vous a désigné comme son successeur au Kremlin et qui vous a solennellement remis, devant les caméras des télévisions du monde entier, la mallette stratégique de commandant le feu nucléaire ?

[7] Pourquoi ne dites-vous jamais, Vladimir Vladimirovitch, que les quarante martyrs d’Odessa, brûlés vifs par les hitlériens, étaient pour l’essentiel des communistes ou des syndicalistes communisants ? Pourquoi ne signalez-vous jamais aux Russes que le pouvoir de Kiev a dissout le Parti communiste d’Ukraine, invalidé ses députés, arrêté sans mandat judiciaire les dirigeants de la Jeunesse communiste et dissout tous les partis ukrainiens de gauche ? Pourquoi ne pas signaler aussi que c’est le PC de la Fédération de Russie qui a le premier demandé la reconnaissance (bien tardive…) des Républiques populaires du Donbass et qui a envoyé des brigadistes volontaires combattre courageusement à leurs côtés ? Pourquoi ne dites-vous pas que, en Europe occidentale et en Amérique du Nord, ce sont les communistes léninistes, c’est-à-dire les communistes, qui combattent courageusement, en prenant bien souvent de sérieux risques, la russophobie délirante et la volonté furieuse d’ « en découdre avec les Russes » qu’affichent belliqueusement les milieux euro-atlantistes déchaînés ?

[8] Par ex. il est connu de tous que le KGB a totalement soutenu le «dé-soviétiseur» Eltsine contre les ultimes défenseurs de l’URSS en août 1991 en refusant d’obéir aux ordres répétés de Yannaïev et du premier ministre Ryjkov.

[9] … Ou de mettre en cause l’entourage oligarchique richissime et toujours vivant, que l’on sache, de Boris Eltsine ! Qu’il est facile d’attaquer un mort qui ne peut se défendre sans toucher au clan oligarchique d’Eltsine ni à l’intouchable Gorbatchev, que protège l’Occident et la bourgeoisie russe alors qu’il est sans doute le principal responsable, par ses reniements, son incurie et sa légèreté, pour ne pas dire plus, de la situation d’encerclement terrible que subit votre pays.

[10] Une pièce intitulée Gorbatchev dressant indécemment son dithyrambe lui est même présentement consacrée à Moscou, et tous les privilégiés de Russie accourent de toutes parts pour ovationner ce destructeur de l’URSS, du PCUS et du socialisme qui, au nom de sa nouvelle pensée anti-léniniste («préférer les valeurs universelles de l’humanité aux intérêts de classe du prolétariat»), a permis l’actuel Drang nach Osten des impérialistes anglo-américains, allemands (et, hélas, français !) vers les frontières occidentales de la Russie. Comment un gouvernant patriote russe peut-il laisser impunément ovationner le plus grand traître de l’histoire (car Judas Iscariote est réputé avoir eu la décence de se pendre après avoir vendu Jésus !), au lieu de le traduire en justice pour haute trahison, pour mise en danger du peuple russe et pour sabordage irresponsable – qui plus est au nom d’un hypocrite « pacifisme » – de la paix mondiale ? Est-il digne et courageux, Vladimir Vladimirovitch, de vous acharner sur Lénine, décédé depuis cent ans bientôt, et non sur cet homme qui parade à Moscou sous vos yeux, qui n’a même pas été capable d’exiger un traité signé par Kohl, Bush, Mitterrand et Thatcher pour solenniser leur engagement à ne pas élargir l’OTAN au-delà des frontières Est de l’ex-RDA lors de l’unification allemande ? Pourquoi cet énorme «deux poids deux mesures» qui adresse un message laxiste subliminal permanent aux inspirateurs occidentaux de la clique gorbatchévienne : en clair, «une félonie n’est plus une félonie si elle est inspirée par l’anticommunisme» et aussi «Lénine, qui a risqué sa vie plus d’une fois pour l’URSS, est davantage coupable de sa destruction finale 66 ans après sa mort que ne le sont Gorbatchev, Eltsine, Koutchma et leurs suiveurs qui ont très officiellement et très anticonstitutionnellement déchiré l’URSS durant ce que les Russes appellent désormais la « catastroïka » : en clair, durant la contre-révolution antisoviétique et anti-léniniste ?

Fin de la première partie, la seconde suivra très prochainement!

SECONDE PARTIE:

https://a-contre-air-du-temps.over-blog.com/2022/06/adresse-du-communiste-georges-gastaud-a-vladimir-v.poutine-deuxieme-partie.html

Adresse du communiste Georges Gastaud  à Vladimir V. Poutine
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