Statues déboulonnées hier et aujourd'hui : les masques tombent !
Statue de Lénine sur la Leninplatz à Berlin, capitale de la RDA. Source: https://sovtime.com/post/171548560556/furtho-nikolai-tomskys-granite-lenin-monument
Chaque culture nationale comporte des éléments, même non développés, d'une culture démocratique et socialiste, car dans chaque nation, il existe une masse laborieuse et exploitée, dont les conditions de vie engendrent forcément une idéologie démocratique et socialiste. Mais, dans chaque nation, il existe également une culture bourgeoise (et qui est aussi, la plupart du temps, ultra‑réactionnaire et cléricale), pas seulement à l'état d'« éléments », mais sous forme de culture dominante.
Article susceptible de légères améliorations dans les jours qui viennent...
Actualisé le 20/06/2020 à 00:25.
PREMIÈRE PARTIE
Par Michel AYMERICH
« A Richmond (Virginie), l’ancienne capitale sudiste, la statue de Jefferson Davis (1808-1889), le président sécessionniste, a été arrachée de son piédestal mercredi 10 juin. Elle mesurait 2,4 m de haut et datait de 1907. Des manifestants se réclamant de Black Lives Matter l’ont abattue à l’aide de cordes, sous le regard impassible de la police. » rapporte Le Monde du 10 juin [1].
Le journal ajoute «Le maire de cette capitale de l’héritage colonial, le démocrate Levar Stoney, avait annoncé son intention de mettre au rebut les statues rappelant le passé esclavagiste du Sud. Les manifestants l’ont devancé, bien qu’il leur ait demandé de laisser des « professionnels » opérer pour des raisons de sécurité. Jefferson Davis, ancien secrétaire à la guerre et sénateur du Mississippi, ne sera pas réexposé. Le maire l’a qualifié de « raciste et de traître » n’ayant aucunement sa place « sur ce piédestal». [...] Toujours à Richmond, l’imposante statue du général Robert Lee, le chef militaire de la Confédération, au pied de laquelle l’extrême droite aime à se rassembler, est en attente. Le gouverneur démocrate Ralph Northam a ordonné le déplacement du monument de 12 tonnes et 18 mètres de haut, inauguré en 1890, mais un juge a suspendu lundi tout mouvement pour dix jours. Selon le Southern Poverty Law Center, il reste 771 statues aux États-Unis honorant les onze Etats confédérés ayant fait sécession en 1860 (Caroline du Sud, Mississippi, Floride, Alabama, Géorgie, Louisiane, Texas, Virginie, Arkansas, Caroline du Nord, Tennessee). Aux yeux de leurs défenseurs, ces monuments représentent un hommage aux énormes pertes subies par le Sud pendant la guerre civile (260 000 soldats tués, côté sécessionniste ; 360 000 pour le Nord). [2]»
Le journal Le Monde et les médias dominants -ceux appartenant à la fraction principale de la classe des grands capitalistes- rapportent ces faits sans enthousiasme, sans pouvoir ni vouloir expressément les condamner clairement. Disons qu’ils ont intellectuellement tendance à discrètement faire la moue. Bien que des préjugés subsistent avec plus ou moins de vigueur, cela fait des décennies que le racisme institutionnalisé est devenu largement obsolète. Car le capitalisme a besoin de l’esclavage salarié de travailleurs de toutes les couleurs.
Mais parallèlement la classe capitaliste craint l’unité internationaliste et donc «raciale» des travailleurs sur la base de leur propre conscience de classe. Des courants bourgeois actuellement minoritaires (pour combien de temps encore ?) et leurs idiots utiles protestent contre le déboulonnage des statues qui sont ses repères idéologiques plus ou moins assumés. Ils n'en ont guère d'autres. En voici une illustration:
Ces courants bourgeois actuellement minoritaires aimeraient stopper la roue de l'histoire et comme ils ne le peuvent pas en totalité, ils œuvrent, au minimum, à la faire dévier dans le sens d'un néo-fascisme mâtiné d'un racisme mis au goût du jour... Pour ce faire, ils exploitent de façon réactionnaire le vrai défi de la réaction islamiste que l'impérialisme principal que sont les USA et leurs alliés n'ont pas hésité et n'hésitent pas à soutenir en sous-main. Ce qu'ils font, par exemple, actuellement dans la province du Xinjiang qui a le statut de région autonome de la République populaire de Chine [3].
On l’a vu dans l’histoire. Il arrive que celle-ci puisse régresser de façon spectaculaire. «En juillet 1916, Lénine […] faisait remarquer qu’il est «antidialectique, antiscientifique, théoriquement inexact, de se représenter l’histoire universelle avançant régulièrement et sans heurts, sans faire quelquefois des sauts gigantesques en arrière.[4]»
L’exemple historique le plus dramatique qui doit illustrer cette remarque de Lénine a été donné après son décès en janvier 1924 par le nazisme (le fascisme allemand) placé au pouvoir par le Maréchal Hindenburg, lorsqu’il nomma Hitler au poste de chancelier du Reich le 30 janvier 1933 [5].
Mais là, à l'opposé, le déboulonnage actuellement en cours des statues d’esclavagistes et autres criminels qui hantent «notre» histoire dans le dit «Occident» (en vérité les États-nations qui forment le capitalisme-impérialisme qui a son centre aux USA) va dans le bon sens. Je dois avouer qu'il me ravit pour l'essentiel. Des guillemets à «notre» car cette histoire, ici remise en cause, est en premier lieu celle des maîtres, des gros possédants, des grands capitalistes propriétaires des moyens de production et d'échange. En bref, des classes exploiteuses!
Elle n'est pas l'histoire des simples gens, des opprimés, des exploités, des révoltés, des révolutionnaires de toutes les couleurs, de toutes les «races» et ethnies . Elle est l'histoire à laquelle au fil des millénaires, Spartacus et ses descendants politiques se sont opposés.
Dès 1913, dans Notes critiques sur la question nationale, Lénine, dont j'ai mis plus haut en exergue les lignes suivantes, soulignait ce qui tombe sous le bon sens de chacun qui a su préserver sa conscience de l'intense lavage idéologique de cerveau :
«Chaque culture nationale comporte des éléments, même non développés, d'une culture démocratique et socialiste, car dans chaque nation, il existe une masse laborieuse et exploitée, dont les conditions de vie engendrent forcément une idéologie démocratique et socialiste. [6]»
Les éléments sous leur forme visible de cette « culture démocratique et socialiste », existante «dans chaque nation» sont largement absents du paysage architectural et artistique des pays soumis à un régime politiquement bourgeois et économiquement capitaliste. Les représentations sous forme de bustes et statues dans l'espace publique, comme de peintures dans les musées et expositions permanentes manquent la plupart du temps. Elles sont sous-représentées aux yeux des masses et lorsqu’elles existent, elles servent trop souvent d'alibi au présent opposé au passé. Présent caractérisé par ses inégalités économiques, sociales et raciales criantes [7].
Deux exemples, parmi d’autres, de combattant/e/s du Panthéon à venir de celles et ceux qui aux États-Unis ont lutté contre l’esclavage :
Quand ces représentations, sous forme de bustes et statues dans l'espace publique, comme de peintures, existent, l'essentiel est caché ou au mieux embrouillé lorsqu'il s'agit d'expliquer dans quelle mesure et pourquoi l'esclavage classique et le racisme institutionnalisé (la ségrégation aux États-Unis, l'antisémitisme exterminatoire germano-fasciste et l'Apartheid en Afrique du sud) font largement partie du passé. Dans la seconde partie (à venir) de cet article j’aborderai la question de l'impulsion initiale de la politique du Parti communiste des États-Unis sur la question noire venue... de Moscou !
Mais outre les «éléments [...] d'une culture démocratique et socialiste», Lénine rappelle que «dans chaque nation, il existe également une culture bourgeoise (et qui est aussi, la plupart du temps, ultra réactionnaire et cléricale), pas seulement à l'état d'«éléments», mais sous forme de culture dominante. [9]»
Et c’est bien la culture dominante qui à la fois reflète et contribue à reproduire la domination politique et par conséquent économique (ou inversement) des masses populaires au sein de chaque État-nation (existant ou en devenir...) par la classe dirigeante.
Plus loin dans le même article, Lénine précise son raisonnement dialectique:
«Chaque nation contemporaine comprend deux nations, dirons nous à tous les national sociaux. Chaque culture nationale comprend deux cultures nationales. Il y a une culture grand russe des Pourichkévitch, des Goutchkov et des Strouvé, mais il y a également une culture grand russe caractérisée par les noms de Tchernychevski et de Plékhanov. De même, il y a deux cultures ukrainiennes, comme il y en a deux également en Allemagne, en France, un Angleterre, chez les Juifs, etc. Si la majorité des ouvriers ukrainiens se trouvent sous l'influence de la culture grand russe, nous savons pertinemment que, parallèlement aux idées de la culture grand russe cléricale et bourgeoise, les idées de la démocratie et de la social démocratie grand russes exercent aussi leur influence. En combattant la «culture» du premier genre, un marxiste ukrainien fera toujours une distinction entre elle et la seconde, et dira aux ouvriers ukrainiens : «Il faut absolument saisir, utiliser, affermir de toutes nos forces toute possibilité d'union avec l'ouvrier conscient grand russe, avec sa littérature, avec le cercle de ses idées. C'est ce qu'exigent les intérêts vitaux du mouvement ouvrier et ukrainien et grand russe. [10] »
Lorsque consécutivement au «second Anschluss : l'annexion de la RDA» [11], la réaction impérialiste allemande (avec l'aval réjoui de tous les secteurs de la réaction mondiale qui s'étendait de l'extrême-droite à la pseudo-gauche) a entrepris de déboulonner la statue de Lénine à Berlin fin 1991 et début 1992, on n'entendait pas les actuelles protestations mentionnées plus haut. Protestations toutes plus immorales, cyniques, «amnésiques», les unes que les autres face au déboulonnage ou au vandalisme actuel de statues d'esclavagistes, de racistes avérés, de colonialistes aux USA, au Royaume uni, en Belgique et ailleurs.
Mais là je souris (pour le moins..) en pensant à tous ceux qui se réjouissaient du déboulonnage de la statue de Lénine et se plaignent de ce qui a cours, principalement aux USA, le centre du capitalisme-impérialisme, mais aussi à sa périphérie politique…
La réaction unie de l’extrême droite à la pseudo-gauche (les héritiers politiques de la deuxième Internationale), la gauche du système capitaliste-impérialiste dans son ensemble, s’était réjouie du déboulonnage des statues de Lénine à Berlin et dans d’autres pays.
Ce faisant, le noyau de la réaction unie (la grande bourgeoisie) ne se trompait pas dans ses positions de classe (la bourgeoisie était parvenue à entraîner une petite bourgeoisie suicidairement enthousiaste sur les perspectives illusoires d'un meilleur monde et à tromper un prolétariat depuis longtemps désorienté...). Lénine est le révolutionnaire qui au vingtième siècle a le plus contribué à modifier la face du monde. Notamment dans les questions nationale et raciale étroitement liées aux questions économiques et sociales, et au combat contre le capitalisme-impérialisme pour la révolution socialiste mondiale.
Si aujourd’hui la Chine est devenue ce qu’elle est sous sa forme de République populaire de Chine dirigée par le Parti communiste chinois (PCC), c’est en grande partie parce que l’Internationale communiste - créée le 02 mars 1919 à l'initiative de Lénine, consécutivement à la révolution bolchévique d'octobre 1917 [12] - a donné naissance au PCC, fondé le 1er juillet 1921...
Une République populaire de Chine qui doit inspirer les peuples d’Afrique et inspire dors et déjà bien des Africains parmi les plus conscients [13] !
Lénine a initié un changement radical d’attitude à l’égard des Noirs des États-Unis et du monde, par le moyen de l'Internationale communiste, dont le Parti communiste des États-Unis d'Amérique était la section américaine. Ce sera l’objet de la démonstration de la seconde partie...
NOTES :
[2] Ibid.
[4] Lénine, A propos de la brochure de Junius, https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1916/07/vil191607001.htm
[5] G. Dimitrov, dans son rapport « L'offensive du fascisme et les tâches de l'Internationale Communiste dans la lutte pour l'unité de la classe ouvrière contre le fascisme » du 02 août 1935 au VIIe congrès de l'Internationale Communiste, le caractérise ainsi : « Le fascisme au pouvoir est [...] la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier.
La variété la plus réactionnaire du fascisme, c'est le fascisme du type allemand, il s'intitule impudemment national-socialisme sans avoir rien de commun avec le socialisme allemand.
Le fascisme allemand ce n'est pas seulement un nationalisme bourgeois, c'est un chauvinisme bestial. C'est un système gouvernemental de banditisme politique, un système de provocation et de tortures à l'égard de la classe ouvrière et des éléments révolutionnaires de la paysannerie, de la petite bourgeoisie et des intellectuels.
C'est la barbarie médiévale et la sauvagerie.
C'est une agression effrénée à l'égard des autres peuples et des autres pays.» http://lesmaterialistes.com/georgi-dimitrov-definition-fascisme
[6] Lénine, Notes critiques sur la question nationale, 2. La « culture nationale »
https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/10/vil19131000c.htm
[7] «Les Afro-Américains principalement, mais aussi les Latinos, récemment immigrés, se trouvent, en ce moment, frappés par la pandémie du Covid-19 deux fois plus en proportion que les Blancs. Ce n’est pas un malheureux hasard, mais une révélation de leur situation sociale : ils se trouvent être les plus pauvres des Américains, les plus fréquemment atteints par des maladies chroniques qui ne sont pas soignées, comme le diabète, parce qu’en dehors des urgences hospitalières, ils ne bénéficient pas d’assurance santé.
Au surplus, quand le chômage frappe, près de 20 % de la population active, ces « minorités » raciales sont les premières licenciées, souvent sans assurance contre le chômage, dépendantes entièrement de la charité des Eglises et des fondations philanthropiques et, selon les Etats, de quelque aide locale »
[9] Lénine, Notes critiques sur la question nationale, 2. La « culture nationale » Ibid.
[10] Lénine, Notes critiques sur la question nationale, 3. L'épouvantail nationaliste de l'«assimilationnisme»
https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/10/vil19131000d.htm
[11] « Aucune chance n'a, en réalité, été laissée aux entreprises est-allemandes. Place nette aura été faite pour les groupes ouest-allemands et la population de l'ex-RDA en aura fait les frais. C'est pourquoi Vladimir Giacchè revendique le terme « d'annexion » qui a été banni du débat public allemand. » https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/l-ex-rda-est-un-mezzogiorno-au-centre-de-l-europe-509960.html
Egalement, https://www.monde-diplomatique.fr/2019/11/KNAEBEL/60911
[12] « Il y a cent ans, les salves de la Révolution d'Octobre ont apporté à la Chine le marxisme-léninisme. Des éléments avancés en Chine ont découvert, à travers la vérité scientifique du marxisme-léninisme, la clé de la résolution des problèmes chinois. » (Xi Jinping, octobre 2017) http://a-contre-air-du-temps.over-blog.com/2017/11/texte-integral-du-rapport-de-xi-jinping-au-19e-congres-national-du-pcc.html
[13] « [...] les européens nous ont formatés à être une population de marginaux, tout en bas de l’échelle. Pour y parvenir, ils nous ont repoussés et confinés dans les ghettos de leurs villes où ils nous ont laissés libres de nous enfoncer dans les pires trafics qu’ils répriment sévèrement chez les blancs. Dans les ghettos noirs de Paris, Londres, New York ou Chigago, même la Police n’y met plus les pieds. Les populations noires qui y habitent, subissant une double peine. D’abord, pour le fait d’être confinés en enfer et ensuite parce que dans cet enfer, à dicter la loi ce sont les gangs.
Lorsque nous allons en Asie, au Japon, en Corée ou en Chine, souffrons d’accepter que les asiatiques ne nous considèrent pas comme des marginaux qu’on laisse commettre des crimes sans réagir, juste pour les pousser à s’enfoncer toujours davantage, génération après génération. [...] Nous ne sommes pas ici pour nous faire aimer, mais pour trouver les moyens techniques qu’on n’a jamais eu de l’occident, pour créer la richesse en Afrique, la seule capable de nous aider à couper définitivement les chaines de la soumission et de l’esclavage. Rien ne nous garantit que les chinois ne vont pas changer d’idée demain, raison de plus pour accélérer nos voyages vers la Chine pour ramener en Afrique le maximum des équipements pour produire cette richesse ».
The moment a statue of slave trader Edward Colston toppled into Bristol’s harbour. ‘It’s what he deserves. I’ve been waiting all my life for this moment’ someone told me in the moments after. pic.twitter.com/6juqVrsJ6V
— Sarah Turnnidge (@sarah_turnnidge) June 7, 2020
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