Décès de Semion Rosenfeld, soldat juif de l'Armée rouge, dernier survivant du camp nazi de Sobibor
Nous déplorons la disparition de Semion Rosenfeld, participant de la révolte de Sobibor, qui, dans l’horreur de la Shoah, est devenu un héros malgré lui
Il faut faire justice d'une double légende, celle qui veut que les Juifs se soient laissés conduire au gaz sans pressentiment ni soupçon, que leur mort ait été "douce", et cette autre selon laquelle ils n'opposèrent à leurs bourreaux aucune résistance.
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Par Michel AYMERICH
Semion Rosenfeld, dernier survivant et insurgé du camp de la mort de Sobibor est décédé ce lundi 03 mai 2019 à l'âge de 96 ans à Tel-Aviv en Israël. Né en Ukraine le 10 octobre 1922, il est enrôlé dans l’Armée rouge en octobre 1940.
Le 22 juin 1941, l'URSS est envahie par l'Allemagne fasciste et ses alliés [1]. Fin juillet 1941, Semion est blessé et fait prisonnier par les Allemands comme de nombreux autres soldats de l'Armée rouge. En septembre 1943, il est envoyé au camp de la mort programmée de Sobibor à environ 250 km au sud-est de Varsovie.
«Sobibor — camp d'extermination, était situé près du village de Sobibor, dans le district de Lublin. Il a été établi en mars 1942, dans le cadre de l'opération Reinhard, et a cessé d'exister à la fin de 1943 après le soulèvement des prisonniers. Les Juifs les plus forts physiquement qui sont venus à Sobibor ont été envoyés dans des équipes de travail. Leurs fonctions consistaient à garder le camp, à accueillir de nouveaux prisonniers, à brûler des corps et à manipuler les affaires des défunts. Dans ces équipes, il y avait environ 1.000 prisonniers. Les premières victimes des chambres à gaz de Sobibor furent 25 Juifs de Krycev, près de Lublin, où les chambres à gaz furent testées à la mi-avril 1942. La première extermination de masse des Juifs à Sobibor a eu lieu le 1er mai 1942. Les victimes du camp étaient des Juifs des villes de Lublin, de Lviv et de Galicie, et plus tard dans d'autres régions de Pologne occupée. De nombreux Juifs d'Allemagne, de France, des Pays-Bas, de Tchécoslovaquie et de certaines régions de l'URSS ont également été tués dans le camp. Selon diverses estimations, entre 200 et 250 mille personnes ont été tué à Sobibor. [2]»
Le 14 octobre 1943, des détenus du camp d'extermination nazi de Sobibor se soulèvent.
Claude Lanzmann nous explique: «C'est un officier Juif Soviétique, Alexander Petchersky, soldat de métier, à qui donc l'usage des armes n'était pas étranger, qui décida, planifia et organisa l'insurrection en à peine six semaines. Déporté à Sobibór au début de septembre 1943 avec d'autres Juifs, également soldats de l'armée rouge, Petchersky eut la chance de ne pas être immédiatement envoyé aux chambres à gaz, comme le reste de ses camarades : sur les 1 200 personnes qui composaient ce groupe, les Allemands sélectionnèrent une soixantaine d'hommes dont ils avaient un besoin pressant pour des travaux de force et de maintenance. Leur tour de mourir viendrait un peu plus tard [3]»
Semion Rosenfeld, alors âgé de 21 ans, prend une part active à l'insurrection armée. De 300 à 400 prisonniers, selon les sources, s'évadent après qu'un groupe de détenus ait liquidé une dizaine de SS et fait une brèche dans les barbelés. Plusieurs films relatent l'histoire de ce soulèvement, dont le dernier date de l'année dernière.
Cent détenus sont tués en tentant de s'évader. La population locale polonaise tue ou livre aux fascistes allemands quelques 150 évadés ! [4]
Ceux qui sont ainsi livrés seront exécutés dès le lendemain, le 15 octobre.
Sur ordre de Berlin, les nazis font ensuite disparaître le camp afin de ne laisser aucune trace de leurs crimes...
Avec un petit groupe de prisonniers, Semion Rosenfeld se cache dans les bois, puis rejoint l'Armée rouge après la libération de Chelm par les troupes soviétiques au printemps 1944. Engagé dans la 39e division de carabiniers motorisés de la Garde, il participe à la libération de Berlin du fascisme... et laisse l’inscription
“Baranovichi-Sobibor-Berlin” sur le mur du Reichstag ! [5].
Démobilisé en octobre 1945, il résidera alors à Hayvoron, en République socialiste soviétique d'Ukraine. Seuls 53 des détenus ont survécu à la guerre. Parmi eux, Alexander Petcherski et Semion Rosenfeld.
Alexander Petcherski décède à Rostov-sur-le-Don en URSS le 19 janvier 1990, âgé de 80 ans. Semyon Rosenfeld immigre la même année en Israël avec sa famille.
Semyon Rosenfeld était le dernier survivant jusqu'à aujourd'hui. «Je n'avais pas peur, je n'avais pas le temps d'y penser, je voulais survivre », disait-il à propos de son héroïsme [6].
Nous ne devons jamais oublier l'insurrection des détenus juifs de Sobibor sous la direction de Alexander Petcherski, officier juif de l'Armée rouge et la victoire de l'Armée rouge lors de la bataille finale de Berlin qui provoqua les suicides de Hitler et de Goebbels [7], et conduisit à la destruction définitive du IIIème Reich.
NOTES:
[2] https://fr.sputniknews.com/culture/201806201036883359-russie-film-sobibor/
[4] Moshe Knebel a raconté comment il a survécu au massacre de sa famille par des Polonais et comment il a rejoint adolescent les partisans et l'Armée rouge pour ensuite vaincre les nazis à Berlin, puis comment il a liquidé lui-même, après la guerre, les assassins polonais de sa famille. Moshe Knebel fut aussi, comme Semyon Rosenfeld et Alexander Petcherski, l'un des 500.000 soldats juifs de l'Armée rouge... http://a-contre-air-du-temps.over-blog.com/2018/02/moshe-saine-et-necessaire-vengeance.html
[5] https://www.lemondejuif.info/2019/06/un-mensch-nous-a-quittes-mort-a-96-ans-du-dernier-heros-de-la-revolte-du-camp-nazi-de-sobibor/ et https://eng.belta.by/society/view/last-sobibor-survivor-dies-at-96-121539-2019/
[7] le 21 avril 1945, les premiers soldats soviétiques sont entrés dans Berlin, capitale du Reich. Alors que les soldats de l'Armée rouge ne sont plus qu'à 200 mètres du bunker où il est terré, Hitler se suicide le 30 avril. Le lendemain, le 01 mai, c'est au tour de Goebbels. Le 02 mai 1945 le drapeau soviétique est hissé sur le Reichstag.
Semion Rosenfeld, dernier survivant connu du camp d'extermination nazi de Sobibor, où périrent 250.000 juifs, est mort lundi à 96 ans. Toute sa famille fut tuée par les nazis, mais lui participa à la célèbre révolte de Sobibor et parvint à s'en échapper en octobre 1943 #AFP pic.twitter.com/5st6zNSyCD
— Agence France-Presse (@afpfr) 9 juin 2019
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