Arsène Tchakarian (au centre) en septembre 1944 lors de la première cérémonie après la libération de la France en l'honneur des fusillés du groupe Manouchian au cimetière parisien d'Ivry.

Arsène Tchakarian (au centre) en septembre 1944 lors de la première cérémonie après la libération de la France en l'honneur des fusillés du groupe Manouchian au cimetière parisien d'Ivry.

Ils hésitaient à nous fournir des armes. L'URSS faisait peur et on était des bolcheviques pour eux

Arsène Ttchakarian

Par Michel AYMERICH

France Inter rappelle:

« Le dernier membre encore vivant du groupe Manouchian est donc mort ce 4 août 2018 ... Arsène Tchakarian avait 101 ans. Né en 1916 en Turquie pendant le génocide arménien, arrivé en France à 14 ans, il était le dernier acteur et témoin direct de cet épisode de la résistance intérieure. Des jeunes étrangers de toutes origines et de toutes cultures, Athées souvent, communistes toujours, français très rarement car immigrés mais toujours amoureux de la France. En 1944, vingt-trois des camarades d'Arsène Tchakarian considérés comme "terroristes" sont assassinés par les nazis, et leurs photos sont placardées sur la célèbre Affiche rouge. [1] »

Le journal Libération écrit: «Installé après-guerre dans un pavillon de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) qu’il avait transformé en centre d’archives, ce vieil homme alerte continuait jusqu’à peu à écumer lycées et collèges pour offrir son témoignage sur l’Occupation et militer pour la reconnaissance du génocide arménien.

«Il n’a eu de cesse d’agir pour la reconnaissance du génocide et les droits du peuple arménien. Modeste et humble, c’est pourtant un grand homme qui nous quitte aujourd’hui que le Parti communiste est fier d’avoir compté dans ses rangs», a réagi Pierre Laurent, secrétaire national du PCF.

Ce que ne disent pas France Inter, Libération et à ma connaissance l'ensemble de la presse ayant pignon sur rue (la «liberté de la presse» se résume pour l'essentiel au principe de Qui paye les violons, choisit la musique...), c'est que Arsène Tchakarian était demeuré un camarade fidèle jusqu'à son décès récent, le 4 août 2018, à son engagement communiste initial [3].

J'ai ainsi reçu un mail d'un membre dirigeant du Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF) précisant ce qui suit :

« Arsène était membre du Prcf et l'une des figures de proue de son comité de parrainage à côté de Léon Landini, ancien officier FTP MOI. Et aucun d'eux n'a renié l'URSS qui fut le principal vainqueur de Hitler, ni n'a jamais abondé la fable d'un Pcf trahissant les FTP MOI. Quasiment toute la grande presse a censuré ces "détails". » 

Le PRCF a d'ailleurs publié un communiqué intitulé Honneur à Arsène Tchakarian, ultime survivant du groupe Manouchian et membre du comité de parrainage du PRCF [4].

De surcroît, de louches individus, issus des tréfonds de la réaction et même de l'ultra-réaction, tentent de salir sa mémoire. Ils s'expriment notamment sur Twitter. Par exemple par le moyen de commentaires d'un tweet du journaliste Frederic Haziza rendant hommage au combat d'Arsène Tchakarian et de ses camarades du groupe Manouchian au sein de la Résistance.

«Ils étaient surtout communistes et staliniens..lutte d un totalitarisme..contre un autre totalitarisme» assène au mépris de la ponctuation et surtout des faits (Fi d'Auschwitz!), et de la logique dialectique, un inconnu  masqué derrière son pseudo que je ne reproduis pas, afin d'éviter de lui accorder une notoriété imméritée.

Ainsi, de louches individus répandent, soit la légende de la collaboration des communistes avec l'occupant (accusation assénée par l'un des commentateurs suggérant une alliance stratégique), prenant prétexte de la signature tactique (et non stratégique) du traité de non-agression avec l'Allemagne, dit pacte germano-soviétique. Soit, cette thèse ne permettant pas d'asséner une contre-vérité de façon satisfaisante à leurs yeux, c'est-à-dire définitive et sans susciter le rappel historique de la guerre effective et totale entre les communistes et les nazis, ils réduisent idéologiquement celle-ci à une guerre opposant deux «totalitarismes»: l'URSS face à l'Allemagne nazie.

Ce faisant, le premier type d'affirmation parfaitement anachronique tente de faire oublier que le traité de non-agression, dit pacte germano-soviétique, a justement rendu possible d'obtenir le délai de deux ans qui a permis à l'URSS de gagner du temps et d'être mieux en mesure de résister à la guerre d'invasion inévitable et non seulement de résister, mais encore de permettre à l'Armée rouge de remporter ces batailles décisives qui ont changé le cours de la guerre mondiale et assuré la victoire...

1) La première image représente l'encerclement de la capitale du Reich encerclée par les troupes de l'Armée rouge 2) Le Maréchal de l’Union soviétique Gueorgui Joukov 3) Les soviétiques hissent le drapeau soviétique (dit "judéo-bolchévique" par la réaction, dont les nazis) au sommet du Reichstag!

Il faut toutefois le rappeler, l'URSS (ou Union soviétique) est née du vivant de Lénine le 30 décembre 1922 et dans sa conception léninienne, elle était une union de Républiques soviétiques égales en droits [5]...

Il faut aussi rappeler que l'URSS n'était pas réductible à la personne de Staline (ni à celle de ses successeurs dans le temps); elle existait alors même que celui-ci n'était pas détenteur de l'essentiel du pouvoir, et elle a perduré jusqu'à sa dissolution arbitraire (contre la volonté de la grande majorité des citoyens des différentes républiques de l'Union), le 25 décembre 1991, soit bien au-delà de la mort de Staline en mars 1953. Elle a encore perduré des décennies, enregistrant les décès de Khrouchtchev, Brejnev, Andropov et Tchernenko...

L'Allemagne nazie quant à elle est née du vivant de Hitler et de par sa volonté. L'hitlérisme était largement assimilable à l’État nazi. Si nombre de fondateurs de l'Union soviétique ont péri dans l'espèce de «guerre civile» (Losurdo) qui a ravagé les rangs du PCUS lors des dits «procès de Moscou» (1936-1938) qui -ce n'est pas un hasard! - précédèrent la guerre totale du germano-fascisme allemand (et de ses alliés...) contre l'URSS au nom de la lutte contre le dit «judéo-bolchévisme», les dirigeants nazis de la première heure, dont Hitler, Goering, Goebbels sont quant à eux restés au pouvoir jusqu'à leurs suicides provoqués par la victoire de l'Armée rouge à Berlin, alors que son «commandant suprême» (Joukov) était Staline...

Le second type d'affirmation qui renvoie dos à dos l'URSS et l'Allemagne nazie obéit à l'intention idéologique de relativiser à l'extrême le rôle central de la victoire soviétique qui a rendu possible la fin historique du nazisme, annoncée plus que symboliquement par la libération d'Auschwitz par l'Armée rouge. Il rend la victoire soviétique coupable et non désirable historiquement, justifiant à posteriori les positions d'un Churchill [6]...

Par ailleurs, si les uns et les autres médias aiment à rappeler qu'il fut arrivé en France en qualité d'immigré et qu'ils occultent le fait que le résistant Arsène Tchakarian est demeuré communiste jusqu'à sa mort, c'est aussi parce-que ils entretiennent volontiers la confusion entre toutes les catégories d'immigrés.

"Le mendiant est mon frère en effet : en ce sens, surtout, que nous partageons fraternellement la même approbation de l'inégalité qui nous sépare ; d'où ces deux espèces sociologiquement si remarquables: le musulman germanophile et l'Allemand islamisé ; si un corps de garde pouvait être religieux, l'Islam paraîtrait sa religion idéale : stricte observance du règlement (prières cinq fois par jour, chacune exigeant cinquante génuflexions) ; revues de détail et soins de propreté (les ablutions rituelles) ; promiscuité masculine dans la vie spirituelle comme dans l'accomplissement des fonctions religieuses ; et pas de femmes.» (Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, p. 483.)

Toutes les catégories d'immigrés, c'est-à-dire:

- celles et ceux qui partageant les buts du communisme et sur cette base ont résisté au sein des Francs-tireurs et partisans - main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI), unités de la Résistance communiste, et participé à la Libération, animés d'un idéal de libération de l'exploitation de l'homme par l'homme à l'échelle planétaire.

- et ceux qui ne sont venus essentiellement que par la volonté du Capital demandeur de force de travail à bon marché, exempts de traditions de luttes pour l'égalité sociale et pour l'égalité des sexes, maintenus dans une hostilité aux libérations ethnico-nationales des peuples (Hébreux, Arméniens, Kurdes, Berbères, etc.) soumis ou longtemps soumis à l'Islam sous ses formes les plus obscurantistes (de type salafiste, wahhabite...) et pour cette raison trop fréquemment prompts à se soumettre à l'autorité religieuse la plus réactionnaire et volontiers disposés à lutter contre les communistes, les athées, les apostats : ces travailleurs réislamisés qui encore placent la religion devant leur condition ouvrière et qui quand ils tendent à l'oublier sont rappelés à bon ordre par les kapos de l'Islam(isme), avec l'aide du Capital, et qu'il importe de délivrer de la forme islamiste de la religion pour les mener au combat contre les exploiteurs!

NOTES:

[1] Arsène Tchakarian, dernier du groupe Manouchian, est décédé hier, https://www.franceinter.fr/emissions/le-7h43/le-7h43-06-aout-2018

[2]  Décès de l’ancien résistant Arsène Tchakarian, dernier survivant du «groupe Manouchian», http://www.liberation.fr/societe/2018/08/05/deces-de-l-ancien-resistant-arsene-tchakarian-dernier-survivant-du-groupe-manouchian_1670975

[3] Décès d'Arséne Tchakarian, militant communiste, dernier survivant du groupe Manouchian des FTP MOI : hommage de Pierre Laurent et de L'Humanité, http://www.le-chiffon-rouge-morlaix.fr/2018/08/deces-d-arsene-tchakarian-militant-communiste-dernier-survivant-du-groupe-manouchian-des-ftp-moi-hommage-de-pierre-laurent-et-de-l-h

[4] Honneur à Arsène Tchakarian, ultime survivant du groupe Manouchian et membre du comité de parrainage du PRCF, https://www.initiative-communiste.fr/articles/prcf/untitled-65/

[5] Lénine, Lettre à L.B. Kamenev, destinée aux membres du Bureau politique du C.C.-P.C .R. (b) du 26 septembre 1922 in Moshe Lewin, Le Dernier Combat de Lénine, Les Éditions de Minuit,  Paris 1978, pp 146-148.

[6] Michel AYMERICH, Le 22 juin 1941, les fascistes allemands déclenchent la guerre totale contre le "judéo-bolchévisme"! http://a-contre-air-du-temps.over-blog.com/2016/06/le-22-juin-1941-les-fascistes-allemands-declenchent-la-guerre-totale-contre-le-judeo-bolchevisme.html

Décès du héros de la Résistance Arsène Ttchakarian, combattant  du groupe Manouchian !
Articles

Le poète communiste Louis Aragon a écrit ce poème dans le marbre de l'Histoire, Léo Ferré l'a chanté...

L'affiche rouge

Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes

Ni l'orgue ni la prière aux agonisants

Onze ans déjà que cela passe vite onze ans

Vous vous étiez servis simplement de vos armes

La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

 

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes

Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants

L'affiche qui semblait une tache de sang

Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles

Y cherchait un effet de peur sur les passants

 

Nul ne semblait vous voir Français de préférence

Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant

Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants

Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE

 

Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre

A la fin février pour vos derniers moments

Et c'est alors que l'un de vous dit calmement

Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre

Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

 

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses

Adieu la vie adieu la lumière et le vent

Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent

Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses

Quand tout sera fini plus tard en Erivan

 

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline

Que la nature est belle et que le cœur me fend

La justice viendra sur nos pas triomphants

Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline

Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

 

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent

Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps

Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant

Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir

Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant

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