République de l'Inde et République populaire de Chine. La comparaison taboue !

Il y a cent ans, les salves de la Révolution d'Octobre ont apporté à la Chine le marxisme-léninisme. Des éléments avancés en Chine ont découvert, à travers la vérité scientifique du marxisme-léninisme, la clé de la résolution des problèmes chinois.

» Xi Jinping, 19 congrès du PCC, octobre 2017

26/01/2019: ajout de texte ci-dessous après la citation de Xi Jinping à partir de "Les succès [...]" jusqu'à "résultats comparatifs...", ainsi que de la photo incluse. M. A. 

Je partage ci-dessous un bon article de Bruno Guigue, La fable du libéralisme qui sauve le monde. Le cas de l'Inde et de la Chine. Car régulièrement, lorsque j’entends parler de la Chine, en fait de la République populaire de Chine (RPC) ou que je lis un article sur ce vaste pays continent qui comporte 56 nationalités, je constate qu’il n’est pas fait la comparaison - ô combien avantageuse pour la RPC !- avec la République de l'Inde ou avec un autre ensemble. Tel par exemple l’ensemble politico-religieux composé des 57 pays membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) [1].

Nous nous limitons toutefois ici à la comparaison République de l'Inde et République populaire de Chine.

L’Inde a une économie dite libérale, elle est un pays fréquemment qualifié de « plus grande démocratie du monde », comme si tout avait été dit ou l’essentiel. Peu importe à ceux qui se satisfont de ce genre d'affirmation idéologique que des centaines de millions d'enfants, femmes, hommes, personnes âgées survivent dans la misère, l'ignorance, l'aveuglement religieux. Peu leur importe la terrible condition des femmes en Inde. Peu leur importe que la condition des femmes de RPC est infiniment meilleure.

Mais en vérité, oui, « l’essentiel » est dit du point de vue de classe des grands et moins grands capitalistes pour lesquels la prétendue « démocratie » est d'abord la leur [2].

La « démocratie » pour les riches, pour les détenteurs de grands capitaux, des grands moyens de production et d'échanges, des terrains soumis à spéculation, de la grande presse, des grandes maisons d’édition, etc.

La classe bourgeoise détient l'essentiel du pouvoir politique d’État en Inde.

Là réside le noyau de la différence entre la République de l'Inde et la République populaire de Chine. Cette dernière est dirigée par un parti communiste. Pas l'Inde ! Il faut le dire, l'écrire, le répandre.

L’État du Kerala est en République indienne, laquelle est un État fédéral, une exception relative.

L'article que je partage ci-dessous en fait état.

En octobre 2017, lors du 19 congrès du PCC, Xi Jinping pouvait dire ces phrases inimaginables en Inde : « Notre pays est déjà parvenu à assurer la satisfaction des besoins élémentaires et quotidiens de plus d'un milliard de personnes, a réalisé pour l'essentiel une prospérité moyenne, et accomplira bientôt l'édification intégrale de la société de moyenne aisance ; les besoins de la population pour une vie meilleure se diversifient, et la population devient de plus en plus exigeante non seulement à l'égard de la vie matérielle et culturelle, mais aussi de la démocratie, de la légalité, de l'équité, de la justice, de la sécurité et de l'environnement. » [3]

Les succès de la République populaire de Chine en matière de lutte efficace contre la pauvreté, le sous-développement, l'inégalité des sexes, l'accès à l'enseignement, etc, sont littéralement phénoménaux [4]. Mais en France et plus largement en Occident - à vrai dire dans l'ensemble des pays capitalistes du globe - une censure massive est exercée, laquelle dissimule à des centaines de millions de personnes les résultats comparatifs des réussites chinoises et des non-réussites indiennes dans cette lutte. Cette censure massive opère par l'ignorance entretenue des faits, mais pis encore elle est secondée en amont par une désinformation multiforme plus ou moins sophistiquée, plus ou moins grossière, selon les cibles qui s'autodélimitent spontanément grosso modo selon leur niveau de formation scolaire et universitaire.

Elle poursuit en premier lieu le but prophylactique d’ôter aux centaines de millions de travailleurs du monde, chômeurs, miséreux, femmes opprimées par leur condition ou tout simplement des citoyens ou des sujets l'envie de suivre le parti communiste de leur pays ou au strict minimum de manifester une sympathie durable pour la RPC et donc le Parti communiste chinois !

Article 6 des statuts du Parti communiste chinois
Sur la photo, le serment d'adhésion: "J'adhère au Parti communiste chinois de ma propre volonté. Je m'engage à soutenir son programme, à respecter ses statuts, à remplir les devoirs de membre du Parti, à appliquer les décisions du Parti, à observer rigoureusement sa discipline, à ne pas divulguer ses secrets, à faire preuve de fidélité envers lui, à militer activement, à combattre ma vie durant pour le communisme, à me tenir toujours prêt à tout sacrifier au peuple et au Parti, et à ne jamais trahir ce dernier." (Extrait de l'article 6 des statuts du PCC)

Que la lecture de l'article qui suit puisse contribuer à contre-balancer la désinformation et/ou l'absence d'information sur la question des résultats comparatifs...

NOTES

[1] http://a-contre-air-du-temps.over-blog.com/2016/10/trip-en-chine-et-quelques-reflexions-sur-l-etat-de-developpement-atteint-comparativement-aux-pays-de-l-oci.html

[2] « Les hypocrites fieffés, les savants et les curés ne sont pas seuls à entretenir et à défendre le mensonge bourgeois selon lequel l'Etat est libre et appelé à sauvegarder les intérêts de tous ; beaucoup de gens font leurs, en toute candeur, les vieux préjugés et ne parviennent pas à comprendre comment s'opère le passage de la vieille société capitaliste au socialisme. Ceux qui sont directement soumis à la bourgeoisie, qui sont assujettis au joug du capital ou sont corrompus par lui (le capital a à son service une foule de savants, d'artistes, de curés, etc., de toutes sortes), et aussi des hommes qui sont simplement influencés par les préjugés de la liberté bourgeoise, tous, dans le monde entier, sont partis en guerre contre le bolchevisme parce qu'au moment de sa fondation, la République des Soviets a rejeté ce mensonge bourgeois et déclaré ouvertement: vous prétendez que votre Etat est libre ; mais en réalité, tant qu'existe la propriété privée, votre Etat, fût-il une république démocratique, n'est qu'une machine aux mains des capitalistes pour réprimer les ouvriers, et cela apparaît d'autant plus clairement que l'Etat est plus libre. La Suisse en Europe, les Etats-Unis en Amérique, en sont un exemple. » V. I. Lénine, De l’État, https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1919/07/19190711.htm

[3] Texte intégral du rapport de Xi Jinping au 19e Congrès national du PCC, http://a-contre-air-du-temps.over-blog.com/2017/11/texte-integral-du-rapport-de-xi-jinping-au-19e-congres-national-du-pcc.html

[4] «C’est une prouesse indéniable. Jusqu’au milieu des années 2000, la Chine a réussi à nourrir la population la plus nombreuse au monde tout en réduisant la part des Chinois sous le seuil de pauvreté.» Jean-Marc Chaumet, La Chine s’attaque aux pollutions d’origine agricole, https://asialyst.com/fr/2018/02/28/chine-attaque-pollutions-origine-agricole/

La fable du libéralisme qui sauve le monde. Le cas de l'Inde et de la Chine

Les mots et phrases mis en gras le sont par moi, ainsi que les photos qui portent mon nom (M.A.)

12 Octobre 2018

par Bruno Guigue

En Occident, le libéralisme passe pour une doctrine indépassable. Pur produit du génie européen, il serait à l’origine des merveilleuses prouesses dont se vantent les sociétés développées. Mais l’idéologie dominante ne se contente pas de lui attribuer toutes les vertus à domicile. Elle lui prête aussi un rayonnement sans frontières. A croire ses adeptes les plus enthousiastes, les recettes libérales sauvent le monde ! Un éditorialiste français, par exemple, peut affirmer lors d’un débat télévisé - sans être contredit - que « le libéralisme a éradiqué la pauvreté en Chine ». Devant une telle assurance, la raison défaille. Comment convaincre des croyants aussi fanatisés [très pertinent ! M. A.] qu’une doctrine prônant la libre concurrence et prohibant l’intervention de l’État dans l’économie, en Chine, est une denrée introuvable ? On y voit en revanche un Etat souverain dirigé par le parti communiste et chargé de planifier le développement à long terme du pays. Un Etat fort qui s’appuie sur un secteur privé florissant, certes, mais aussi sur un puissant secteur public détenant 80% des actifs dans les industries-clé. Pour ceux qui ne l’auraient pas encore remarqué, en Chine, l’État maîtrise la monnaie nationale, le système bancaire est contrôlé par l’État et les marchés financiers sont sous haute surveillance.

Il est clair que l’ouverture internationale engagée par le pouvoir communiste à partir des années 80 a permis de capter de précieuses ressources et d’obtenir des transferts de technologie. Mais on ne discerne aucun rapport entre cette politique commerciale audacieuse et les dogmes libéraux, que ce soit l’auto-régulation du marché ou la concurrence pure et parfaite. Le libéralisme n’a pas inventé le commerce, qui existait bien avant que la moindre idée libérale ait germé dans le cerveau d’Adam Smith. « Etat fort », « planification à long terme », « puissant secteur public » sont des formules qui ne fleurent guère le libéralisme ordinaire, et imputer à cette doctrine les progrès spectaculaires de l’économie chinoise n’a aucun sens. La pauvreté aurait été vaincue grâce aux recettes libérales ? Dans l’imagination des libéraux, certainement. Dans les faits, la réussite économique de la Chine doit davantage à la main de fer de l’État qu’à la main invisible du marché. Cette économie mixte pilotée par le parti communiste chinois a porté ses fruits. En trente ans, le PIB a été multiplié par 17 et 700 millions de personnes ont été extraites de la pauvreté. Comme la réduction de la pauvreté dans le monde dans la même période est essentiellement due à la politique économique chinoise, on peut difficilement attribuer au libéralisme les progrès récemment enregistrés par l’humanité.

Du point de vue des rapports entre libéralisme et développement, la comparaison entre les deux géants asiatiques est également instructive. En 1950, l’Inde et la Chine se trouvaient dans un état de délabrement et de misère extrêmes. La Chine connaissait d’ailleurs une situation pire que celle de son voisin, avec un PIB par habitant inférieur à celui de l’Afrique sub-saharienne et une espérance de vie moyenne de 42 ans. Aujourd’hui, la Chine est la première puissance économique mondiale et son PIB représente 4,5 fois celui de l’Inde. Non que cette dernière n’ait accompli aucun progrès. Bien au contraire. Après avoir jeté les bases d’une industrie moderne au lendemain de l’indépendance (1947), elle a connu depuis vingt ans un développement accéléré, et elle occupe une position de premier plan dans l’informatique et la pharmacie. Mais elle a beau afficher des taux de croissance annuels insolents, elle charrie une pauvreté de masse dont la Chine, elle, a enfin réussi à se débarrasser. Auteurs du livre Splendeur de l’Inde ? Développement, démocratie et inégalités (2014), Jean Drèze et Amartya Sen résument la situation paradoxale du pays : «L’Inde a gravi l’échelle du revenu par habitant en même temps qu’elle a glissé au bas de la pente des indicateurs sociaux ».

En dépit de taux de croissance record, la situation sociale du pays, en effet, n’est pas brillante. Il vaut mieux naître en Chine qu’en Inde, où le taux de mortalité infantile est quatre fois plus élevé. L’espérance de vie des Indiens (67 ans) est nettement inférieure à celle des Chinois (76 ans). Un tiers des Indiens n’ont ni électricité ni installations sanitaires, et la malnutrition touche 30% de la population. Comment expliquer un tel décalage ? Pour Jean Drèze et Amartya Sen, «l’Inde est le seul pays des BRICS à n’avoir pas connu de phase d’expansion majeure de l’aide publique ou de la redistribution économique. La Chine a fait très tôt d’énormes progrès en matière d’accès universel à l’enseignement primaire, aux soins médicaux et à la protection sociale, et ce bien avant de se lancer dans des réformes économiques orientées vers le marché, en 1979». Pour qu’un économiste indien (Prix Nobel d’économie 1998) dise que l’Inde aurait dû faire comme la Chine - sur le plan économique, s’entend - il faut qu’il ait de bonnes raisons de le penser. Et ce qu’il dit est extrêmement clair : l’Inde, contrairement à la Chine, a manqué d’un investissement massif de la puissance publique dans l’éducation et la santé. L’Inde n’a pas souffert d’un surplus, mais d’un déficit d’État.

Dans une petite ville de campagne de la région autonome Zhuang du Guangxi, cette écolière de retour à la maison, fait ses devoirs avec un entrain qui m'a positivement impressionné! (Michel Aymerich)

Mais pourquoi ? L’explication fournie par les deux économistes à propos de la politique éducative est particulièrement intéressante : «Les planificateurs indiens étaient à l’opposé de leurs homologues des pays communistes, à Moscou, Pékin et La Havane. Ces derniers faisaient grand cas de l’éducation scolaire universelle, considérée comme une exigence socialiste fondamentale, et aucun d’entre eux n’aurait permis que de fortes proportions d’enfants ne soient pas scolarisés». En Inde, en revanche, «la prévention des classes et des castes supérieures à l’encontre de l’éducation des masses» a freiné la généralisation de l’enseignement primaire, entraînant un retard considérable dans l’accès à l’éducation. C’est l’orientation idéologique, et non une obscure fatalité, qui explique la différence des niveaux de développement éducatif entre les deux pays. Les élites dirigeantes de l’Inde nouvelle avaient beau se réclamer d’idéaux progressistes, elles n’ont pas misé sur l’élévation du niveau scolaire des masses indiennes, les « Intouchables » se trouvant relégués aux marges d’une société hiérarchisée, bien loin de l’égalitarisme - y compris entre les hommes et les femmes - prôné par l’idéologie maoïste de la Chine populaire.

Pour souligner un tel contraste, Amartya Sen cite un commentaire de l’écrivain indien Rabindranath Tagore formulé lors de son voyage en Union soviétique (1930) : «En posant le pied sur le sol de la Russie, la première chose qui attira mon attention fut que, en matière d’éducation en tout cas, la paysannerie et la classe ouvrière avaient fait de tels progrès en ces quelques années que rien de comparable n’était advenu même à nos classes supérieures en un siècle et demi». On peut dire ce qu’on veut des régimes communistes, mais il est indéniable qu’ils ont misé sur l’éducation universelle, la santé pour tous et l’émancipation féminine. Les continuités historiques étant parfois saisissantes, on peut d’ailleurs rapprocher ce commentaire méconnu de Tagore sur l’URSS des années 30 avec un autre document : le résultat de l’étude sur la lecture (« PIRLS ») conduite par l’Association internationale pour l’évaluation de la réussite éducative. Menée en 2016 sur 319 000 élèves de CM1 dans cinquante pays, cette étude compare les performances des élèves en matière de lecture et de compréhension d’un texte écrit. La Russie est arrivée en tête (à égalité avec Singapour). Mais c’est sans doute le hasard.

En tout cas, une chose est sûre : en Chine populaire comme en URSS, l’enseignement public - et notamment l’enseignement primaire : la lecture, l’écriture et le calcul - était prioritaire. Si la Chine a su résoudre des problèmes dans lesquels l’Inde se débat toujours (illettrisme, insalubrité, mortalité infantile), ce n’est certainement pas parce qu’elle est plus « libérale ». En fait, c’est exactement le contraire. En dotant le pays de solides infrastructures publiques, le socialisme chinois - en dépit de ses erreurs - a créé les conditions d’un développement du pays à long terme. Les dirigeants du parti communiste ont beau faire l’éloge du libre-échange, ils savent bien que la cohésion de la société chinoise ne repose pas sur le commerce international. Avant d’ouvrir son économie, la Chine s’est dotée d’un système éducatif et sanitaire lui permettant d’affronter la compétition économique mondiale. Manifestement, elle cueille aujourd’hui le fruit de ses efforts.

Bien entendu, ce n’est pas davantage par libéralisme que Deng Xiao Ping a imposé la politique de l’enfant unique. En procédant à cette intrusion dans la sphère privée, Pékin a réussi le pari d’un contrôle des naissances indispensable au développement. Tout le monde est d’accord aujourd’hui pour admettre que le jeu en valait la chandelle. Mais il est difficile d’imputer au libéralisme le succès d’une régulation drastique des naissances imposée par le parti communiste ! Sous un régime pluraliste, une telle politique ne serait même pas concevable. Ni pluraliste ni libéral, le régime chinois pouvait planifier le développement du pays en sacrifiant les intérêts privés sur l’autel de l’intérêt général. En attendant, les résultats parlent d’eux-mêmes. Et il est probable que les Chinois en comprennent d’autant mieux la nécessité que cette politique a été assouplie. En Inde, les tentatives d’Indira Gandhi n’ont pas eu le même succès, et l’hypothèque démographique continue de peser sur le développement du pays.

Mais l’exemple de la démographie, précisément, montre que la question du développement se pose sous un autre jour si l’on réexamine plus finement la situation indienne. « Les États indiens qui s’en sortent bien, affirment Jean Drèze et Amartya Sen, sont ceux qui avaient posé auparavant les solides bases d’un développement participatif et d’une aide sociale, et promu activement l’extension des capacités humaines, particulièrement dans les domaines de l’éducation et de la santé ». Avec un indice de développement humain qui est de loin le plus élevé du pays, le Kérala (sud-ouest de l’Inde) fait figure de vitrine sociale du sous-continent. Il est aussi l’État de l’Inde où la transition démographique est la plus achevée, ce qui contribue à l’évolution positive de la condition féminine. Or la baisse du taux de natalité est directement corrélée à l’élévation du niveau d’éducation. Très pauvre au moment de l’indépendance (1947), le Kérala a engagé un programme ambitieux de développement éducatif et sanitaire, créant les conditions d’un développement économique dont il perçoit aujourd’hui le bénéfice. Avec un revenu par tête qui est le plus élevé de l’Union (70% de plus que la moyenne indienne), un taux de scolarisation de 98%, un taux de mortalité infantile cinq fois moins élevé que la moyenne des États indiens, cet État de 34 millions d’habitants dont la presse occidentale ne parle jamais a aussi pour caractéristique de favoriser le rôle politique et social des femmes.

Mais ces succès ne datent pas d’hier, ils sont le fruit d’une politique de longue haleine. Comme en Chine, le développement du pays va de pair avec le souci du long terme. «Le Kérala continue de progresser rapidement sur divers fronts et son avance par rapport aux autres États ne semble nullement se réduire avec le temps, indiquent Jean Drèze et Amartya Sen. Depuis les années 80, le développement du Kérala a régulièrement été dénoncé par des commentateurs méfiants envers l’intervention de l’État, qui le jugeaient insoutenable ou trompeur, voire susceptible de conduire à la débâcle. Il est cependant apparu que l’amélioration des conditions de vie dans cet État s’est non seulement poursuivie mais accélérée, avec l’aide d’une croissance économique rapide, favorisée à son tour par l’attention accordée à l’instruction primaire et aux capacités humaines ». Cette avance du Kérala par rapport aux autres États indiens n’est pas un héritage de la période antérieure à l’indépendance : en 1947, le Kérala était extrêmement pauvre. Ce progrès est le fruit d’un combat politique dont le moment-clé se situe en 1957, lorsque le Kérala est le premier État à élire une coalition dirigée par les communistes. Depuis cette date, ils exercent le pouvoir local en alternance avec une coalition de centre gauche dirigée par le parti du Congrès. En tout cas, il ne semble pas que les communistes du Communist Party of India -Marxist (CPI-M) et leurs alliés - qui exercent à nouveau le pouvoir depuis 2016 après avoir fait du Kérala l’État le plus développé de l’Inde -, aient puisé leur inspiration dans les doctrines libérales.

Bref, pour continuer à sauver le monde, le libéralisme va devoir faire la preuve qu’il a quelque chose de neuf à apporter aux deux États les plus peuplés de la planète. Que la Chine communiste soit responsable de l’essentiel de l’effort accompli pour éradiquer la pauvreté dans le monde, et que cet événement passe inaperçu de l’opinion occidentale, en dit long sur l’aveuglement idéologique ambiant. On pourrait poursuivre l’analyse en montrant qu’un petit État des Caraïbes soumis à un blocus illégal a tout de même réussi à bâtir un système éducatif et sanitaire sans équivalent parmi les pays en développement. Avec un taux de scolarisation de 100% et un système de santé récompensé par l’Organisation mondiale de la santé, Cuba a récemment accompli la prouesse d’offrir à sa population une espérance de vie supérieure à celle des USA et un taux de mortalité infantile équivalent à celui des pays développés. Les méthodes pour y parvenir n’ont rien de libéral, mais chacun a sa conception des droits de l’homme : en ramenant le taux de mortalité infantile de 79 p. 1000 (1959) à 4,3 p. 1000 (2016), le socialisme cubain sauve des milliers d’enfants par an. Pour contempler les effets mirifiques du libéralisme, il suffit de regarder ce qui se passe dans la région. Du côté d’Haïti, par exemple, ce protectorat américain où l’espérance de vie est de 63 ans (contre 80 pour Cuba), ou du côté de la République dominicaine - un peu mieux lotie - où l’espérance de vie est de 73 ans et la mortalité infantile est cinq fois celle de Cuba.

Mais ces broutilles n’intéressent guère les adeptes du libéralisme. Ils voient cette doctrine comme un chevalier blanc - c’est le cas de le dire - répandant ses bienfaits depuis cet Occident qui a tout compris et veut en communiquer le bénéfice à des populations confites d’émotion devant tant de bonté et prêtes à embrasser sa foi dans l’homo œconomicus, la loi du marché et la libre concurrence. Prenant le fruit de leur imagination pour le monde réel, ils confondent l’initiative privée - qui existe à des degrés divers dans tous les systèmes sociaux - et le libéralisme - une idéologie « hors sol » qui n’existe que dans l’esprit des libéraux pour justifier leurs pratiques. Si la société était ce que les libéraux en disent, elle serait réglée comme le mouvement des planètes. Les lois du marché seraient aussi inflexibles que les lois de la nature. Tel un chef d’orchestre, le marché harmoniserait les intérêts divergents et distribuerait équitablement les ressources. Toute intervention publique serait nocive, puisque le marché génère spontanément la paix et la concorde. La force du libéralisme, c’est que cette croyance légitime la loi du plus fort et sacralise l’appropriation du bien commun. C’est pourquoi il est l’idéologie spontanée des oligarchies assoiffées d’argent, des bourgeoisies cupides. Le drame du libéralisme, en revanche, c’est qu’il est rangé au magasin des accessoires chaque fois qu’une société privilégie le bien-être de tous et fait passer l’intérêt commun avant les intérêts particuliers.

Source : http://www.librairie-tropiques.fr/2018/10/la-fable-du-liberalisme-qui-sauve-le-monde-par-bruno-guigue.html

République de l'Inde et République populaire de Chine. La comparaison taboue !
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L'article introductif a également été publié ici:

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